Tensions RDC/Rwanda: les terres et les minerais de la discorde

Tensions RDC/Rwanda: les terres et les minerais de la discorde

La seule évocation du nom de Paul Kagame ,suffit à faire dresser les cheveux de la tête  des congolais. Le président du Rwanda est considéré au pays de Lumumba, comme l’ennemi  public numéro 1. Mais le président du pays des milles collines, n’est que le sommet d’un iceberg d’inimitié profonde qui oppose les deux pays depuis bientôt 30 ans . Les causes de cette mésentente sont multiples et complexes .Toutefois dire que les minerais et les terres  de l’Est de la RDC, ne serait pas trop loin de la réalité.

 Les relations déjà difficiles entre les deux pays, se sont détériorées davantage au mois de mars 2022. C’est à cette date que ces rebelles ont attaqué et conquis plusieurs localités du nord Kivu. Parmi leurs trophées, se trouve la riche cité frontalière de Bunagana. Celle-ci  débouche sur l’Ouganda.  Par la voix de son ministre des étrangères, la RDC accuse son voisin d’être derrière les rebelles et même d’avoir des troupes sur le sol congolais.

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Minerais dans la balance

 Pour le ministre congolais des affaires étrangères, le Rwanda  entretient le désordre sur le seul congolais .Selon Christophe Lutundula, l’objectif de ce pays voisin ,est de profiter de la confusion pour exploiter illicitement les minerais de l’est de la république. Les accusations de la RDC ne s’arrêtent pas au vol de ses  richesses naturelles.

Si les autorités politiques du Congo ne parlent que du pillage et de l’agression, la population. Pour elle, le Rwanda cherche à occuper une partie de l’est de la RDC .Depuis plusieurs années ,circulent  au pays ,des informations sur une organisation qui se nommerait « tutsi power ». Cette structure serait chargée d’assurée la domination de cette ethnie dans les grands lacs  Cette domination passerait par la maitrise des pouvoirs politiques et économiques . Passerait aussi  par le dérèglement de l’ordre sociologique dans les pays convoités. Faute de pouvoir conquérir toute la RDC ,le tutsi power ne viserait que l’Est de la RDC.

Sarkozy dit tout haut ce que l’occident dit tout bas

Les riches pâturages et les terres rares seraient l’objet principal de cette convoitise. Pour les citoyens congolais ordinaire, les Etats Unis et certains pays européens en tête desquels la Grande Bretagne, seraient pour le démembrement de ce grand pays de l’Afrique centrale.

Le 16 janvier 2009, Nicholas Sarkozy ,alors président de la France déclare, parle de  sa solution dans le conflit Congolo/rwandais. C’était devant le corps diplomatique. Il aura une phrase pleine  d’ambiguïté. Abordant le chapitre africain, il dira en substance « Il y a la place et la question de l’avenir du Rwanda. Pays à la démographie dynamique et à la superficie petite .C’est aussi la question de la place de la RDC, pays à la superficie immense et à la gestion étrangères des ressources frontalières  » .Ces quelques mots, feront bondir de rage les adeptes de la thèse du complot. Pour eux  il est clair comme de l’eau de roche, que  l’occident veut la balkanisation de  la RDC. 

Echec de la politique de la carotte 

 Parmi les dossiers épineux dont hérite le président Tshisekedi lors de sa prise de fonction, il y a la problématique des relations avec le Rwanda. Le cinquième président congolais tourne le dos à la politique du bâton utilisée par son prédécesseur. Ce dernier avait opté pour la manière forte contre le M23, considéré comme le cheval de Troie du Rwanda. Une victoire  sur ce groupe rebelle en juin 2013, débouchera sur une fierté nationale .Feu le colonel Mamadou Ndala qui avait conduit cette opération, sera drapé à jamais de l’habit de héros national.

Kagame applaudit

 Félix Tshisekedi lui affiche une posture différente. Il préfère le dialogue. Il multiplie les signes de bonnes volonté . Tshisekedi passe même l’éponge sur l’attitude  du président  rwandais. Ce dernier avait mis en doute les résultats de la présidentielle de 2018. En novembre 2020,Kagame séjourné à Kinshasa, sous les applaudissements de sympathisants du pouvoir et la réprobation de ses opposants. La période des nuages sombres semblent désormais derrière. Dans la foulée, plusieurs accords économiques et militaires seront conclus. Une raffinerie installée au Rwanda pourra ainsi travailler l’or congolais. La compagnie aérienne rwandaise obtient l’autorisation de survol  du territoire congolais et de trafic dans quelques villes dont Kinshasa Goma et Lubumbashi.

Mais sans que rien ne le laisse présager pour le commun des mortels, l’orage gronde de nouveau entre les deux voisins. Cette poussée de fièvre, est consécutive à l’activisme du M23. Manifestement, la politique de la carotte de Kinshasa venait d’échouer.

L’armée peut-elle laver l’affront ?

 

Pour beaucoup au pays, la seule option valable, reste la guerre avec ce voisin trop remuant. Mais le président congolais se pose des questions sur ses  troupes . Le 12 mai ,au lancement d’un séminaire des officiers supérieurs ,le président congolais déclare, « soit notre armée est incapable ou alors ces bandits de CODECO ,ce conglomérat de malfaiteurs bénéficient de complicités au sein de nos forces armées ». Son accès de colère est d’autant plus grande, que selon lui ,« c est la première fois dans notre histoire, que l’on dépense autant d’argent pour notre armée. Ma déception est de voir que les résultats sécuritaires, ne sont pas à la hauteur des financements engagés »

Presque un mois jour pour jour après cette déclaration, le M23 lance un offensif éclair . Plusieurs villages et  localités du Nord Kivu, tombent entre ses mains comme des fruits murs. C’est désormais en position de belligérant contrôlant un territoire, que le M23 négocie par le Rwanda interposé.

« Les accords sont les accords »

Le M23 accuse le gouvernement congolais de non-respect des accords passés  en 2013 entre parties. Les points les plus en vue sont le retour des réfugiés et l’intégration des combattants dans les forces armées. Si sur le premier point, le pouvoir n’y voit pas d’inconvénients, il tergiverse sur le second .Félix Tshisekedi ,l’a encore rappelé lors de selon discours à la nation du 30 juin dernier. Mais pour le M23, les accords sont les accords. Ce mouvement rebelle est prêt à déposer les armes. Et c’est si ses revendications sont rencontrées.

Le Pouvoir de Kinshasa se retrouve pour ainsi dire, entre le marteau et l’enclume. Il y a d’un côté une opinion publique congolaise très hostile à toute entente avec le M23 et son parrain supposé qui serait le Rwanda. Il y a de l’autre côté, ceux qui lui conseillent de négocier. Car il parait difficile de vaincre les rebelles dans les conditions présentes.

Tshisekedi pose ses conditions

C’est donc dans ses conditions que Tshisekedi s’est rendu en Angola pour des discussions avec son homologue rwandais .Cette rencontre qualifié de celle de la vérité par les proches du président congolais, pourrait ne pas donner de résultats tout de suite, selon des experts de la région des grands lacs.

Des observateurs avertis, estiment de leur côté, que  la paix ne sera pas installée, tant que la question des partages des terres et des richesses telles qu’abordées ouvertement par l’ancien français, ne sera pas réglée. A moins que la RDC fasse un virage à 360 degré dans son organisation politique, économique et sécuritaire .Sans une armée forte, les frontières du pays vont demeurer des passoires . Le territoire lui-même, risque d’être pour longtemps encore, le terrain de jeu de multiples groupes armés et des aventuriers de tout bord.