RDC : le projet PABEA-Cobalt, un éléphant blanc

RDC : le projet PABEA-Cobalt, un éléphant blanc

Une campagne de retrait des enfants dans les sites miniers artisanaux a été lancée au mois de Janvier 2022. Cette opération d’appui au bien-être des enfants utilisés dans la chaine d’approvisionnement du cobalt est lancée dans les provinces du Lualaba et du Haut-Katanga et appuyée par la Banque africaine de développement.  

Après la province du Lualaba, le Haut-Katanga a aussi lancé jeudi 27 janvier l’identification des bénéficiaires directs du projet Pabea Cobalt. A cette occasion, le gouverneur du Haut-Katanga s’est engagé à lutter contre la présence des enfants dans les sites miniers et leurs environs.

La coordonnatrice de projet Pabea Cobalt, Alice Mirimo Kabetsi, en a profité pour appeler à une grande mobilisation pour une identification massive des jeunes qui travaillent dans les sites miniers de cobalt :

« Nous encourageons tous les enfants qui sont dans les sites miniers artisanaux de cobalt à venir se faire enregistrer. Nous encourageons tous les parents, qui ont les enfants qui fréquentent ces sites, à venir faire enregistrer les enfants ».

Selon elle, ce projet vise « zéro enfant » dans les sites miniers artisanaux de cobalt ; parce que la place de ces enfants est en famille et à l’école.

Le projet prévoit de réinsérer environ 14.850 enfants filles et garçons, d’assurer la reconversion économique d’au moins 6250 ménages et aussi la reconversion des jeunes qui travaillent dans les sites miniers vers l’agrobusiness. « Nous pensons créer plusieurs emplois directs et indirects et aussi assurer la structuration de plus ou moins 1250 coopératives agricoles et coopératives minières des jeunes », a détaillé Alice Mirimo.

Il s’agit, d’après elle, d’un projet d’investissement qui va offrir à la province du Haut-Katanga plusieurs opportunités d’affaires et va renforcer les revenus des parents et va offrir aussi une éducation de qualité à nos enfants pour que nos enfants ne fréquentent plus jamais les sites miniers « .

Le projet Pabea Cobalt est un projet du gouvernement congolais, qui bénéficie de l’appui financier du groupe de la Banque africaine de développement (BAD).

Un projet presque fantôme

Retiré les enfants dans les sites miniers en RDC est un exercice délicat dans un secteur marqué par l’opacité et la porosité entre les mines industrielles et les mines artisanales. Certaines compagnies achètent du cobalt aux creuseurs et mélangent leur production avec celle des enfants. Cette main d’œuvre infantile ferait vivre au Congo des centaines des creuseurs et leurs familles.

Assécher cette source unique de revenu aboutirait à une véritable catastrophe économique. C’est le cas du projet d’appui au bien être alternatif des enfants et jeunes impliqués dans la chaine d’approvisionnement du cobalt(PABEA-Cobalt) initié par le président de la République à travers le Fond National de Promotion et de Service social(FNPSS).

Débuté en 2019, le projet PABEA-Cobalt se clôture en 2023. Sur le terrain c’est un retard croissant qu’enregistre ce projet qui en ce jour se trouve à la phase d’identification des bénéficiaires directes. D’après les organisateurs, l’identification des bénéficiaires marque une étape importante dans la mise en œuvre de ce projet car c’est à l’issu de l’identification que l’unité de coordination du projet disposera d’une base des données qui sera le déclencheur de tous les bénéfices prévus dans le projet PABEA-Cobalt.  Parmi ces bénéfices l’on peut citer la prise en charge sociale des enfants (Filles et garçons) qui seront sortis des mines et sites miniers artisanaux de cobalt ainsi que la reconversion socioéconomique en agro business de leurs parents et d’autres jeunes.

La prise en charge sociale de ces enfants couvrira les aspects suivants : l’insertion et la réinsertion scolaire, le soutien nutritionnel, sanitaire et psychologique ; l’enregistrement à l’Etat civil. Mais tous ceci dans combien de temps qui reste avant la fin du projet c’est la question que beaucoup se pose.

Si l’on s’en tient au chronogramme initiale du projet, il reste moins de deux ans pour clôturer le projet. Sur le terrain rien n’est fait. Même si les responsables du projet expliquent ce retard par la pandémie à coronavirus survenue en 2020 soit une année après le lancement du projet.  Aucune infrastructure n’est mise en place. Pas d’école construite pour accueillir ces enfants, pas d’espaces arables disponibilisés pour faire de l’agriculture.

PABEA-Cobalt est un projet ambitieux sur papier. Il prévoit même la reconversion socioéconomique en agrobusiness des parents de ces enfants et autres jeunes. Il donne beaucoup d’espoir d’opportunités économiques alternatives à travers la promotion des chaines de valeur agricole intégrant la production, la transformation et la commercialisation.  Affirme Philipe Ngwala coordonateur de la cellule présidentiel d’Appui au Programme d’Urgence Intégré de Développement Communautaire (CAPUIDC)

Pour sa part, Guylain Kalwa coordonateur du cadre de concertation du Haut-Katanga estime qu’il faut aller au-delà de la volonté politique, et prendre des mesures pour traiter le fond du problème : « Il faut faire attention parce qu’aujourd’hui, tous les parents qui font travailler leurs enfants, ce n’est pas de gaité de cœur, mais peut-être qu’ils sont forcés à le faire. Tout simplement parce qu’il y a la pauvreté des familles à la base. Et donc, il va falloir trouver des alternatives faisables à la fois pour les familles et pour les enfants car ce qui nous est présenté ici n’est pas faisable au regard du temps qui reste. »

Pour lui, il ne s’agit pas tout simplement d’initier un projet. Il serait également important de mettre en place un système de statistiques et de suivi des actions, afin d’adapter les stratégies, pour pouvoir combattre au mieux ce fléau.

La moitié des réserves mondiales du cobalt se trouve en RDC, plus précisément dans les provinces du Haut-Katanga et du Lualaba. La mine de Mutanda, contrôlée par le géant suisse Glencore, est à elle seule le premier producteur mondial. Si les mines industrielles contrôlées par de grands groupes produisent la très grosse majorité des volumes, une part évaluée entre 10 % et 20 % du cobalt est extraite de manière artisanale, dans de très mauvaises conditions de sécurité. C’est dans ce secteur informel, échappant à toute forme de régulation, que se niche le travail des enfants sur lequel se base le projet PABEA-Cobalt.