RDC : mettre fin à la déforestation d’ici 2030, un rêve utopique?  

RDC : mettre fin à la déforestation d’ici 2030, un rêve utopique?  

En marge de la COP26 qui se tient à Glasgow, la République Démocratique du Congo(RDC) à l’instar d’autres pays a pris l’engagement de mettre fin à la déforestation d’ici 2030. Félix Antoine Tshisekedi, Président de la République qui a signé cet engagement, motive son action par le fait que les forêts du bassin du Congo représentent à ces jours le premier puits de carbone au monde devant l’Amazonie. Pourtant, des experts estiment qu’il n’est pas évident de stopper la déforestation d’ici 2030, mais plutôt fournir des efforts pour la réduire en développant des activités alternatives pour s’adapter.

Mettre fin à la déforestation en RDC d’ici 2030 est un rêve utopique. Estiment les experts. François Munyemba est Ingénieur en protection des forêts et Directeur de l’Observatoire des Forets de Miombo. Il explique que les forêts du bassin du Congo sur lesquels la RDC fonde son action à un taux élevé de déboisement. « La forêt du Bassin du Congo a un taux de déboisement de 0,20 % selon le Fonds des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO). Cela équivaut à la perte de 311.000 hectares par an ».

Et d’ajouté : « La RDC a connu un taux de déforestation très élevé de 2000 à 2010. Ce qui fait qu’aujourd’hui nous sommes classés parmi les pays menacés par le réchauffement climatique. Voilà pourquoi, nous allons dire que notre contribution, c’est de fournir des efforts pour réduire ce taux entre 15 et 20% d’ici 2030. Voilà ce que la RDC va promettre au monde entier. Et nous devons commencer à y travailler dès maintenant ».

 

 

D’après les scientifiques, la déforestation est la perte des forets par des activités humaines.  François Munyemba cite parmi ces activités l’agriculture sur brulis qui contribue à près de 70% à la déforestation en RDC, et l’exploitation artisanale et industrielle du bois. « Ici en RDC, le renouvellement de la fertilité des sols dépend d’un système de cultures vivrières sur brûlis suivies de jachères longues, et les besoins énergétiques des ménages sont satisfaits par la collecte de bois de feu ou l’utilisation en ville de charbon de bois. Faute d’investissements publics en des activités alternatives, la foret de Miombo est condamnée aujourd’hui à une dégradation rapide autour de la ville de Lubumbashi ». Déclare-t-il

Il invite les autorités à réfléchir sur les actions alternatives à mettre en place pour réduire la déforestation. Il cite par exemple le reboisement. Cependant, il regrette l’absence des mécanismes sensés promouvoir ces types d’actions. « A chaque fois qu’on fait le reboisement aucune mesure de suivi des arbres plantés n’est mise en place pour espérer des résultats concrets et aucun   concessionnaire ne reboise après avoir déboisé, et comment un pays qui n’a que 1% de capacité en énergie électrique peut vouloir mettre fin à la coupe du bois !».

Des fonds égaux aux potentiels

La RDC se présente comme pays solution à la crise climatique au monde grâce à ses énormes ressources environnementales. C’est pour cela que le gouvernement estime qu’il est possible de mettre fin à la déforestation en RDC d’ici 2030.

Le Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge, déclare que le pays doit accéder aux fonds climat selon ses potentialités au regard de son apport dans la lutte contre le réchauffement climatique. A l’en croire, au-delà de cette compensation auprès des partenaires, il est aussi question d’attendre l’accompagnement dans la sauvegarde des patrimoines. « La RDC a ses potentialités et attend de cette COP26 l’accompagnement de nos partenaires. Comme vous le savez ici, l’enjeu est bien-sûr d’accéder aux fonds climat et ces fonds climat nous voulons y accéder à juste titre, selon nos potentialités, de ce que nous allons apporter et ce que nous apportons déjà par rapport au réchauffement climatique. Donc c’est le but vraiment que nous poursuivons dans cette participation à la COP26 mais surtout l’accompagnement dans la sauvegarde de ces patrimoines ».

C’est dans ce cadre que Félix Tshisekedi, et le Premier ministre britannique, Boris Johnson, ont signé, mardi, à Glasgow en Ecosse, un engagement au nom du Conseil d’administration de l’Initiative pour la Forêt de l’Afrique centrale (CAFI) pour une durée de dix ans pour protéger la forêt de la RDC. Cet accord débloquera dans un premier temps des investissements sur le terrain qui s’élève à 500 millions de dollars américains pour les cinq premières années.

Ce montant est jugé peu par certains experts qui estiment que de la COP21 à Paris à la COP26 à Glasgow la RDC négocie toujours en position de faiblesse. Lors des dernières éditions, la RDC a eu à signer l’aide d’intention couvrant la période 2016-2021 avec un apport des partenaires évalue à 200 millions USD. Cette année à la COP26 le gouvernement congolais veut plus. « Aujourd’hui définitivement nous voulons plus, plus que c’est qui avait été donné pour permettre non seulement à nos populations qui contribuent à ce combat de bénéficier de cette lutte mais à côté de ça, que cela puisse servir aussi à la préserve et l’accroissement de ses potentielles biodiversités que nous avons ». Ajoute le Premier Ministre

Sans dire comment cela se passera et dans quelles conditions, Ève Bazaiba, vice Premier Ministre et Ministre de l’Environnement et Développement durable affirme que la RDC a tout intérêt à mettre fin à la déforestation pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique à l’échelle planétaire.

Elle dit attendre de la COP26, le passage des promesses aux actions concrètes. Elle salue l’engagement des pays industrialisés de contribuer à la protection du patrimoine environnemental.

Pour sa part Christian Bwenda coordonnateur de l’ONG Protection des Ecorégions de Miombo(PREMICONGO) s’interroge sur l’origine des moyens sensé financer des activités alternatives pour lutter contre le réchauffement climatique en RDC.

« D’où viendra les moyens ? A la Cop on parle des fonds verts et on a l’impression que c’est de l’argent qui est disponible et les États du sud iront prendre de l’argent dans ce fond pour faire face au problème des émissions de gaz à effet de serre liés à la déforestation dans leurs pays. Et pourtant l’accès à ces fonds n’est pas facile en pratique. Ces fonds ne sont pas des dons ce sont des prêts »

D’après ses propos, depuis le début de l’histoire de la conférence sur le climat, la RDC n’attaque pas le problème par la racine. Il propose des développer par exemple des activités de sédentarisation de l’agriculture pour faire en sorte que les communautés ne soient pas obligées de pratiquer l’agriculture itinérante sur brulis. « Il faut doter les communautés des moyens techniques et financiers pour qu’elles pratiquent par exemple l’agroforesterie afin de cultiver sur place et n’est pas être obligés de détruire chaque année de grande surface de foret. Fournir de l’énergie électrique pour mettre fin à l’utilisation du charbon de bois parce que l’utilisation du charbon, des bois accélère la pression sur la foret ».

Des actes contraires aux discours

Christian Bwenda évoque la production du cobalt et du lithium qui permettent de fabriquer des véhicules électriques comme une contradiction entre les discours et les actions sur le terrain. « On parle de l’énergie verte mais pour produire le cobalt on va s’approvisionner dans l’énergie fossile pour faire marcher toutes ces machines, et même pour exporter les cuivres c’est sur les véhicules qui utilisent de l’énergie fossile qu’on le fait. Est-ce que on a déjà calculer la quantité des émissions de gaz à effet de serre que chaque camion dégage pour voir si réellement notre production du cuivre et cobalt est vraiment verte !».

D’après le gouvernement Britannique, hôte de la conférence sur le climat, cette déclaration commune a été adoptée par plus de cent pays abritant 85 % des forêts mondiales, dont la forêt boréale du Canada, la forêt amazonienne au Brésil ou encore la forêt tropicale du Bassin du Congo.