Lubumbashi : entre peur du poison et xénophobie

Lubumbashi : entre peur du poison et xénophobie

Depuis plusieurs semaines, la peur et l’inquiétude montent à Lubumbashi. Des cas présumés d’empoisonnement secouent la ville et plongent les habitants dans une véritable psychose. En effet, la mort soudaine de Jonathan Baraka, jeune entrepreneur bien connu dans la restauration avec sa société Baraka Services, a profondément choqué. Et le risque de tomber dans la xénophobie guette les habitants de la ville cuprifère.

En l’espace de quatre mois, plusieurs jeunes figures de Lubumbashi ont perdu la vie dans des circonstances jugées troublantes. Avant Jonathan Baraka, la ville était déjà sous le choc de la disparition inattendue du jeune bourgmestre de la commune de Lubumbashi. Il était pour certains, un cadre dynamique qui incarnait l’espoir de la jeunesse locale. Si aucune preuve officielle n’a été rendue publique sur la nature de son décès, la rumeur d’un possible empoisonnement s’est rapidement répandue.

Pour beaucoup, cette série de pertes dessine une trajectoire inquiétante. « Ce n’est plus un fait isolé, ça devient une tendance », glisse Grâce Bukasa , un habitant de Lubumbashi dans un post Facebook . Ainsi, la peur se propage, renforcée par le sentiment que quelque chose d’anormal se trame dans l’ombre.

Lire aussi: Lubumbashi:Quid de l’identification des enfants en rupture familiale

Un climat de peur

Aujourd’hui, plus personne n’est vraiment rassurée. Dans les maisons, les bureaux ou même les écoles, la méfiance s’installe. « Même pour boire un verre d’eau chez un collègue, on réfléchit par deux fois », confie le même internaute. De ce fait , le moindre geste quotidien devient une source d’angoisse. Un repas partagé, une boisson offerte ou une simple invitation à dîner peuvent désormais être perçus comme un risque.

Pendant ce temps, sur Facebook et WhatsApp, les témoignages se multiplient. Certains parlent d’une vague d’empoisonnements organisés. De ce fait, des figures locales comme Jean-Claude Van Dios appellent à l’action. Il propose d’adresser un mémorandum à l’Assemblée provinciale pour exiger des enquêtes officielles.

Un commerce illicite en plein cœur de la ville ?

Par ailleurs, des habitants dénoncent un trafic de substances suspectes au  centre ville, place « Le Château » . Des chauffeurs de taxi rencontrés sur place affirment sans détour : « Ici, on vend de la drogue, tout le monde le sait, mais personne ne bouge ». En effet, la zone est connue pour son activité intense, mais aussi pour l’absence de contrôle visible.

Comment un tel commerce peut-il prospérer à ciel ouvert et en plein centre ville sans réaction des autorités ? Cette situation soulève une question dérangeante : sommes-nous face à un simple laxisme, ou à une complicité silencieuse de certains services de sécurité ? Pendant que la peur de l’empoisonnement se répand, un trafic des substances toxiques semble s’installer dans l’indifférence la plus totale.

Des boucs émissaires ?

Dans ce contexte de peur, certains internautes commencent à pointer du doigt accusateur une communauté étrangère. Ces accusations, sans preuve avérées , inquiètent. Des voix s’élèvent ainsi pour dénoncer une dérive tribale dangereuse. Pourtant dans la ville de Lubumbashi,  les tensions identitaires ne sont jamais loin. « Le poison ne parle pas une langue. De plus , il n’a pas la couleur d’une ethnie. Le vrai danger, c’est de désigner des boucs émissaires au lieu de chercher les vrais responsables », alerte le journaliste Anelka Kabila.

Appel du maire

Face à la montée de la peur, le maire de la ville, Patrick Kafwimbi, a convoqué un Conseil urbain de sécurité le 30 avril dernier. Il a par ailleurs exigé l’ouverture d’enquêtes sérieuses.

Mais dans les rues de Lubumbashi, la confiance est faible. « On a besoin d’actes concrets, pas de simples réunions », martèle un vendeur  à la sauvette. Tant que l’État ne prend pas ses responsabilités, la psychose continuera de s’installer, dit- il encore.

 

Obed Vitangi