RDC : les petites commerçantes transfrontalières, premières victimes de la guerre à l’Est

À Lubumbashi, une délégation de femmes commerçantes transfrontalières a tiré la sonnette d’alarme sur la situation dramatique que vivent des milliers d’entre elles à l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Selon l’ONG Alerte internationale, près de 20 000 femmes de Goma, Bukavu et Uvira tirent leur survie quotidienne du commerce transfrontalier. Mais la guerre et l’insécurité qui ravagent la région menacent directement cette activité vitale.
Mathilde Mambo, originaire de Bukavu, en est un exemple frappant. Elle se rend régulièrement à Rubavu, au Rwanda voisin, pour acheter de la farine de manioc qu’elle revend sur les marchés congolais. Mais aujourd’hui, elle peine à écouler sa marchandise. « Nous faisons notre petit commerce avec beaucoup de difficultés. Il arrive de fois que, pendant qu’il y ait crépitement des balles, mais le matin, je suis obligée d’aller chercher les marchandises« , raconte -t-elle toute émue.
En plus de l’insécurité, Mathilde fait face à une autre difficulté. « Lorsque nous étalons les produits, personne n’achète. Pendant la guerre, les gens ont tout perdu et l’argent ne circule plus. Parfois, je reste au marché jusqu’au soir sans rien vendre et je ne peux même pas acheter un pain pour mes enfants« , témoigne-t-elle, la voix chevrotante.
D’après l’organisation non gouvernementale Alert International, près de 85 % de ces femmes ont perdu leur patrimoine, tombant ainsi dans une extrême pauvreté. Il s’agit de nombreuses familles vulnérables, qui dépendent d’un commerce qui, jusqu’à récemment, leur permettait d’assurer l’éducation de leurs enfants et de répondre à leurs besoins fondamentaux.
Les commerçantes transfrontalières du Burundi aussi…
Le phénomène ne touche pas seulement les Congolaises. La crise sécuritaire affecte aussi près de 10 000 commerçantes burundaises, notamment celles de la ville frontalière de Gatumba. Parmi elles, Pulcheri Aisha Kiye. Elle raconte. « Avant, nous travaillions ensemble avec les femmes du Congo. Nous allions acheter des habits et elles venaient acheter la farine. Mais à cause de l’insécurité, nous ne savons pas traverser pour aller chercher les marchandises et les femmes du Congo ne savent pas venir chez nous », raconte-t-elle.
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Il n’y a pas que le petit commerce entre la RDC et le Burundi qui en pâtissent. Il y a également le petit commerce et le Burundi et le Rwanda. « Les frontières sont fermées et nous ne savons pas travailler », raconte encore Pulcherie. Et d’ajouter : « Avant, je pouvais commander la marchandise par téléphone et la réceptionner sans frais supplémentaires. Aujourd’hui, ce n’est plus possible à cause de la guerre. On dépense plus et on gagne moins. Au lieu de 2 000 francs par jour, je n’en gagne parfois que la moitié. »
Pulchérie, comme des milliers d’autres femmes, continue malgré l’insécurité. « Je ne peux pas dire à mon ventre ou à mes enfants qu’il y a la guerre. En tant que mère, je dois pourtant continuer à nourrir ma famille », dit -elle avec tristesse. À ces jours, beaucoup de femmes burundaises qui faisaient le petit commerce ont perdu la moitié de leur capital.
Ces témoignages révèlent à quel point le commerce transfrontalier constitue une bouée de sauvetage économique et sociale pour des milliers de femmes dans la région des Grands Lacs. Mais la persistance des violences, des tracasseries et de l’instabilité monétaire les plonge dans une spirale de pauvreté.
Une réponse urgente
Face à cette situation, les commerçantes transfrontalières réclament une réponse urgente. Elles appellent à la fin du conflit, mais aussi à des mesures d’accompagnement et de protection économique de la part des gouvernements de la sous-région et de la communauté internationale. « Nous voulons la paix. Sans la paix, nous ne pouvons pas travailler« , lancent Mathilde Thambo et Pulcherie Aisha, ces deux femmes rencontrées à Lubumbashi lors de la 12ᵉ assemblée générale des autorités locales des pays des Grands Lacs.
Ces femmes commerçantes du pays des Grands Lacs rappellent, à travers leur quotidien bouleversé, que la paix reste la condition première de toute relance économique et de toute dignité humaine. Leur appel rejoint celui de millions de Congolais qui aspirent à voir la guerre céder la place à la stabilité, pour enfin reconstruire leurs vies.