Lubumbashi : Lutte contre la corruption : Un combat à pérenniser

Lubumbashi : Lutte contre la corruption : Un combat à pérenniser

Lancé depuis le mois d’octobre 2018 la phase 2 du projet anti-corruption « Kuleta Haki2 » de l’ONG RCN Justice& Démocratie fonctionne avec un noyau dit Réseau anti-corruption qui comprend des avocats, magistrats, juges, officiers de police judiciaire(OPJ), agents de police judiciaire(APJ), journalistes et les organisations de défense des droits de l’homme.  Le projet étant à son terme (31 mars 2022), le temps a été à l’évaluation du projet lors d’une assemblée générale tenue le vendredi 18 mars 2022 à Lubumbashi.  Les participants ont relevé les forces autant que le projet anti-corruption « Kuleta Haki 2 » a capitalisé et les faiblesses qui l’ont entravé mais sans l’anéantir.   

Parmi les forces, retenons l’existence du réseau anticorruption qui recrée l’espoir dans cette lutte, le courage des membres du réseau qui s’affichent en public, la création des sous-groupes qui ont pu pénétrer dans certains milieux professionnels du secteur judiciaire, la cohésion des membres et le renforcement des capacités de ces derniers.

En termes des faiblesses, retenons la limitation du champ d’actions et des moyens voulus proportionnels aux actions à mener, la mutation de certains membres actifs du secteur judiciaire appelés à d’autres fonctions en dehors de la ville de Lubumbashi, le manque des frais de fonctionnement et de mobilité, la rareté d’activités réunissant le réseau avec tous ses sous-groupes, la dépendance totale du réseau aux partenaires, etc.

Au cours de ce projet, outre les activités organisées par l’Union Congolaise des Femmes des médias(UCOFEM), un partenaire de RCN Justice & Démocratie, le réseau a tenu une activité de grande importance qui a fait l’objet d’une évaluation par le professeur Gabin, le directeur général de l’Ecole de criminologie à Lubumbashi.  Il a exposé sur le rapport d’affichage des tarifs judiciaires.  Cette activité a été réalisée en 2020 dans la ville de Lubumbashi.

La justice en RDC est-elle gratuite ou payable ?

Lors d’une activité organisée par Ucofem dans la commune Rwashi, dans le cadre du thème « frais de justice et corruption », l’orateur, un magistrat de son état, s’était introduit par cette interrogation à l’intention des participants au club d’écoute : « la justice en RDC est-elle gratuite ou payable ?» Sans attendre les réponses venant de l’auditoire, il répondit : « A cette question fondamentale, notre réponse est la suivante : la justice est à la fois gratuite et payable ».

En ce qui concerne la gratuité de la justice, le magistrat a démontré que l’accès à la justice est gratuit dans sa phase pré juridictionnelle qui est la phase des enquêtes. Elle débute à la police ou au parquet de la République. Mais il a regretté le fait que des personnes très ancrées dans l’illégalité du paiement de la plainte tentent de faire croire à la population que cette pratique est normale et de surcroit légale.

A titre d’exemple, le magistrat a donné un cas vécu, réel : « Un jour, une personne est venue dans mon cabinet pour un dossier dans lequel elle était victime d’escroquerie de 4000$. J’ai ouvert un dossier à propos pour prendre ses déclarations.  A elle de m’interroger : « Monsieur le magistrat, combien coûte l’ouverture du dossier ? En tant que membre du Réseau de lutte contre la corruption, je lui avais répondu tout bonnement que la plainte est gratuite » ». Et à la personne de répliquer avec étonnement : « Ah ! Et si je ne te donne pas l’argent, qu’est-ce qui me rassure que tu vas bien traiter mon dossier ? »

Poursuivant sa présentation, l’orateur a évoqué le caractère payant de la justice en expliquant : « Si quelqu’un est victime d’un comportement infractionnel et que son dossier doit aller au tribunal, il doit s’attendre à des frais à débourser qu’on appelle dans le langage de la justice les frais de consignation qui sont payables au greffe et non dans les mains du juge. »

Quant au parquet et à la police, il n’y a que le paiement des amendes et celles-ci sont conditionnées. Pour que l’OPJ (officier de police judiciaire) fasse payer une amende, il faut que le dossier soit complètement clos. Par exemple, si une personne a été tabassée, la personne qui a commis cette infraction ne doit pas être relâchée avant que la victime ne soit soignée ; si l’OPJ procède autrement, il commet une faute.

Et d’éveiller la conscience du public en affirmant que dans le dossier du viol, on ne fait pas payer l’amende même si les familles s’arrangent à l’amiable ; il en est de même des dossiers de vol qualifié et de meurtre. Pour ces cas, il n’y a pas d’amendes non plus, a-t-il insisté. Le paiement des amendes à chaque office ou chaque parquet se fait auprès des agents avancés de la DGRAD qui sont des percepteurs des frais de justice (qui sont d’office des taxes de l’Etat). Ces agents travaillent en connivence avec la comptabilité du parquet et de la police pour percevoir les fonds et les verser à la banque après avoir établi les bordereaux, a précisé le magistrat.

Pour clore son intervention, l’orateur a encore éclairé l’enseigne du public en soutenant que les frais de justice existent au parquet et à la police et ce sont des amendes. Au parquet s’ajoute la caution de liberté provisoire. Quant au tribunal, les justiciables paient les frais de justice et les droits proportionnels. « Les magistrats, les juges, les officiers de police judiciaires et les officiers du ministère public sont établis et payés par l’Etat pour le travail qu’ils exercent.  Leur payer des unités, du carburant, de l’eau sont des actes illicites, de la corruption, a-t-il conclu.

Au sujet de la lutte contre la corruption, le réseau anti-corruption se félicite néanmoins des actions menées, mais sollicite du RCN Justice & Démocratie d’étendre le champ d’actions du réseau dans différents secteurs.