RDC : un rapport révèle les conditions désastreuses des travailleurs dans les mines industrielles de cobalt
Un rapport publié le 7 Novembre dernier révèle des conditions de vie désastreuses, de la discrimination et des salaires extrêmement bas dans certaines des plus grandes mines industrielles de cobalt au monde exploitées par des sociétés minières multinationales en République démocratique du Congo. Les conclusions présentées dans le rapport d’étude s’appuient sur 130 entretiens et des recherches détaillées menées pendant 28 mois par l’organisme de surveillance des activités des sociétés basées au Royaume-Uni, Rights and Accountability in Développement (RAID), et par le Centre d’Aide Juridico-Judiciaire (CAJJ), un centre d’aide juridique congolais spécialisé dans le droit du travail.
Le rapport de 87 pages intitulé « La route de la ruine ? Les véhicules électriques et les violations des droits des travailleurs dans les mines industrielles de cobalt au Congo » met en lumière un système d’exploitation généralisée dans les entreprises d’exploitation industrielle du cobalt.
Il porte sur cinq mines et leurs sociétés mères à savoir : Kamoto Copper Company (KCC) de Glencore, Metalkol RTR de Eurasian Resources Group, Tenke Fungurume Mining (TFM) de China Molybdenum, Société minière de Deziwa (Somidez) de China Nonferrous Metal Mining Company (CNMC), dont la compagnie minière publique congolaise Gécamines détient 49 % des parts, et Sino-congolaise des mines (Sicomines), une co-entreprise entre Gécamines et un consortium de sociétés et d’investisseurs chinois.
Le choix de ces sociétés se justifie par le fait que ces mines produisaient près de la moitié de l’approvisionnement mondial en cobalt en 2020.
Selon ce rapport, les travailleurs congolais interrogés dans le cadre de l’étude ont dit recevoir des salaires très bas et être soumis à des heures de travail excessives, à des traitements dégradants, à de la violence, à de la discrimination, à du racisme, à des conditions de travail dangereuses et à un mépris flagrant des normes de santé de base.
Anneke Van Woudenberg, Directrice exécutive à RAID parle de l’exploitation des travailleurs congolais. « Les affirmations de l’industrie minière selon lesquelles l’extraction à grande échelle de cobalt au Congo est « propre », « durable » et « exempte de violations des droits humains » ne sont tout simplement pas à la hauteur de la réalité. Les recherches de RAID et de CAJJ révèlent que le cobalt destiné aux batteries des véhicules électriques repose en grande partie sur un système de main-d’œuvre bon marché et l’exploitation de milliers de travailleurs congolais. »
Une nouvelle colonisation
Le rapport indique que certains travailleurs ont raconté avoir reçu des coups de pied, des gifles, des coups de bâton, des insultes, avoir été injuriés et tirés par les oreilles. Certains travailleurs ont fait état de graves discriminations et d’abus dans les mines exploitées par des compagnies chinoises. Un travailleur a déclaré « Notre situation est pire qu’auparavant. Les Chinois viennent imposer leurs normes et leur culture. Ils ne traitent pas bien les Congolais. C’est une nouvelle colonisation. »
Ce qui pousse Josué Kashal, Responsable du suivi et de l’évaluation à CAJJ une structure qui a contribué à la réalisation de l’étude à dire que les récits désespérés des travailleurs des mines de cobalt du Congo racontent une autre histoire que celle suscitée à l’avènement du boom minier. « L’explosion des ventes de véhicules électriques devrait être l’occasion de sortir la population congolaise de la pauvreté, mais les récits désespérés des travailleurs des mines de cobalt du Congo racontent une autre histoire. Le passage à l’énergie propre doit être une transition juste, pas une construite sur le dos des travailleurs congolais exploités. »
Des travailleurs pas engagés
Le rapport note également des violations du droit du travail. Les travailleurs ne sont pas embauchés directement par les sociétés minières, mais indirectement via des entreprises sous-traitantes. Les chiffres officiels montrent qu’au moins 57% de la main-d’œuvre dans les cinq mines concernées par les recherches est fournie par des sous-traitants.
Les employés et les responsables des entreprises de sous-traitance interrogés lors de l’étude ont expliqué que, selon eux, les sociétés utilisent ce modèle comme une stratégie délibérée pour réduire leurs coûts, limiter leur responsabilité en matière de sécurité des travailleurs et éviter que les travailleurs n’adhèrent à des syndicats.
Dans leur rapport, RAID et CAJJ tracent le cobalt sur toute la chaîne d’approvisionnement, des cinq mines de cobalt industrielles jusqu’aux fabricants de véhicules électriques, comme General Motors, Renault Group, Tesla, Toyota, Volkswagen et Volvo, entre autres. Ces sociétés en contact avec les consommateurs cherchent souvent à démontrer qu’elles s’approvisionnent en minéraux de manière responsable. Cependant, aucune des initiatives du secteur visant à démontrer que le cobalt est « propre » n’est contraignante pour les sociétés et beaucoup ne traitent pas des problèmes plus larges liés aux droits du travail.
RAID et CAJJ appellent toutes les sociétés minières de cobalt et de cuivre opérant au Congo à mettre fin au recours intensif aux entreprises de sous-traitance pour leurs besoins en main-d’œuvre, à payer à tous les travailleurs congolais (embauches directes et indirectes) le salaire de subsistance, et à prendre des mesures immédiates pour répondre aux allégations de violence physique, de racisme et de discrimination à l’encontre des travailleurs congolais. Les organisations ont incité les constructeurs automobiles à mettre fin aux contrats avec leurs fournisseurs de cobalt qui ne prennent pas les mesures adéquates pour remédier à l’exploitation des travailleurs