Lubumbashi : atteint de la tuberculose, Michel est vu d’un mauvais œil
A Lubumbashi dans le Haut-Katanga, les personnes atteintes de la tuberculose sont souvent victimes de discrimination en raison de leur maladie. Souvent associée à la pauvreté, les personnes atteintes ou soupçonnées d’être atteintes de tuberculose sont discriminées. La coordination provinciale de lutte contre la tuberculose reconnait que la tuberculose s’accompagne de diverses formes de discrimination et de stigmatisation dans différents cadres sociaux et professionnels. Elle estime cependant que la discrimination est l’un des obstacles pour le diagnostic et la continuité du traitement jusqu’à son achèvement.
« Être tuberculeux à Lubumbashi, c’est perdre sa liberté. C’est vivre enfermé en permanence dans la souffrance, » affirme Michel*. Âgé de 56 ans, il est tuberculeux depuis 2017. Il habite au quartier Kasungami dans la commune annexe à Lubumbashi, une ville située dans le sud de la province du Haut-Katanga en RDC. Michel est parmi environs 13 525 tuberculeux vivants dans le Haut-Katanga d’après les chiffres donnés par la coordination provinciale de la lèpre et la tuberculose, un service du ministère de la santé publique.
Divorcé et père de six enfants, Michel vit dans une maison de deux pièces qu’il partage avec sa mère et ses six enfants. Selon des sources hospitalières, il est atteint de la tuberculose multi résistante
« On m’a fait des injections de streptomycine pendant deux mois puis j’ai pris des médicaments par voie orale pendant un an, » affirme Michel. « J’ai dû arrêter de travailler pendant. »
Selon Michel, sa femme décide alors de le quitter en 2019 estimant que sa maladie était devenue très longue et pénible à supporter. Depuis, il dépend de sa mère.
« C’est elle qui nous nourrit et c’est auprès d’elle que je tire la force de continuer à vivre, » il dit.
Beaucoup dans sa communauté perçoivent Michel comme un « agent de contamination ». Par certains, il est traité de « dangereux » pour l’ensemble de la société de gardiennage pour laquelle il travaillait. D’autres le traite de malhonnête, de sorcier voire même d’être atteint du VIH/Sida. Une de ses voisines dans la parcelle, se montre très répugnante.
« Ça me fait vraiment peur de vivre proche d’une personne qui est tout le temps entrain de tousser, » dit Mireille Bukumba, sa voisine. « Nous utilisons la même cour, le même puit d’eau, et les mêmes installations sanitaires. Nous risquons tous d’être contaminés en aspirant l’air de ses crachats. Je crains surtout pour mes enfants qui jouent par terre et c’est là que lui crache. »
Bukumba a même des soupçons que Michel est séropositif sans le divulguer. Elle ajoute qu’elle a déjà parlé à la propriétaire de la maison que loue Michel en disant que ce dernier doit dégager sinon elle devra quitter afin de protéger sa famille.
La discrimination, comme celle-ci à laquelle Michel fait face, est l’un des obstacles majeurs pour le diagnostic et la continuité du traitement jusqu’à son achèvement, selon Docteur Gift Mwelwa, médecin coordonnateur de la tuberculose dans le Haut-Katanga, un service du ministère de la santé publique.
« Néanmoins, les prestataires sont formés pour assurer l’accompagnement psychosocial des malades avec l’appui des organisations communautaires, clubs des anciens malades, cellules d’animation communautaires, » rajpute Dr. Mwelwa. « Nous insistons sur le fait que les malades tuberculeux qui prennent régulièrement leur traitement ne sont plus contagieux et peuvent mener normalement leur vie socioprofessionnelle ».
« C’est souvent avec une pudeur extrême qu’un malade avoue être atteint de la tuberculose, » dit Emmanuel Kifungo, coordonnateur chez l’ONG Groupe d’actions non violentes (GANVE), une structure locale à Lubumbashi. GANVE s’occupe de l’accompagnement psychosocial des malades. Selon M. Kifungo, les préjugés à l’égard du tuberculeux « crée une charge énorme de douleurs et d’angoisses chez les personnes malades et leurs proches. Certains vont même jusqu’à dire tuberculose égale VIH/Sida et angoisse de la mort. »
La tuberculose n’est pas égale au VIH/Sida. Il s’agit de deux entités pathologiques différentes dues à deux agents infectieux différents.
« Le SIDA est lié à un virus (le VIH) alors que la tuberculose est due à une bactérie (le mycobacterium tuberculosis), » précise Dr. Mwelwa, ajoutant que les deux pathologies sont néanmoins intimement liées et s’influencent mutuellement.
« En effet, l’infection au VIH entraine une dépression immunitaire qui peut favoriser la survenue d’une tuberculose maladie, » dit Dr. Mwelwa. « La tuberculose à son tour est la principale cause de décès chez les personnes vivant avec le VIH car elle accélère la progression vers le stade Sida et diminue sensiblement l’espérance-vie des sujets VIH positifs ».
Selon le docteur, les efforts sont fournis pour bannir la stigmatisation et la discrimination à l’égard de la tuberculose à travers des sensibilisations. « La promotion des droits des malades est assurée auprès des prestataires des soins, des membres des familles et l’entourage professionnel des malades, » il précise. « ‘La charte du patient tuberculeux’ et la toute récente déclaration des droits des patients affectés par la tuberculose sont vulgarisés ».
La charte du patient tuberculeux est une série de documents élaborée par l’Organisation Mondiale de la Santé dans le cadre du Partenariat Mondial pour mettre fin à la tuberculose (‘Stop TB Partnership’). Elle couvre la période de 2016-2035.
D’après la science médicale, les malades de la tuberculose qui suivent leur traitement sans interruption ne seront plus contagieux. Cependant, selon Michel, qui suit bien son traitement, être atteint de la tuberculose reste un terrible dilemme.
« Les gens ont peur de moi, » dit Michel. « Ils ne me parlent pas à cause de ma maladie et du coup je me sens encore plus mal et plus seule. »
Il vit dans l’espoir que les choses plus précisément l’attitude sociale envers les tuberculeux – va s’améliorer.
* nom d’emprunt
Cet article a été produit sous l’égide du programme « Lever les barrières aux services de santé » mené par la Thomson Reuters Foundation et le Fonds Mondial.