» Marifa, le système maffieux pour se soustraire du péage »
Pour arrondir leur fin du mois, certains agents du péage sur les tronçons Mokamabo/Kasumbalesa et Kasumbalesa /Lubumbashi inventent plusieurs stratagèmes pour se faire des sous. Et malheureusement, c’est sur le dos du trésor public. L’une de leurs astuces est dénommée « marifa« . Ce mot swahili, qui signifie fétiche, consiste à donner un petit billet aux conducteurs de camions poids lourds, moyennant le tiers ou la moitié du tarif normal du péage. Avec ce bout de papier, le conducteur est assuré de passer à tous les postes jusqu’à Kolwezi.
Ceux qui font la route Lubumbashi/Kasumbalesa, ne manqueront pas de remarquer des camions poids lourds qui stationnent au niveau de l’ancien poste de péage, au-delà du village Kanyaka. Il y a là , surtout des camions-citernes en provenance de Mokambo dans le territoire de Sakania. Sans le savoir, ils assistent à un manège maffieux savamment orchestré. Il s’agit du système « marifa » qui se met en place discrètement. Bien à l’abri des regards, un membre des maffiosi du péage, griffonnent des signes sur un bout de papier. Il le tend ensuite ni vu ni connu au chauffeur qui aussitôt démarre. Tout au long de cette chaîne maffieuse, ses complices sauraient, à partir des signes inscrits, le montant perçu. C’est, le soir, venu qu’ils feront les comptes pour se distribuer le butin.
Pris la main dans le sac
Au mois d’avril dernier, le vice-gouverneur du Haut Katanga avait dépêché à Mokambo Philippe Kibawa, directeur provincial du service anti-fraude. Le but était de vérifier des allégations de fraude au niveau du péage sur l’axe Mokambo /Lubumbashi. En effet, plusieurs dénonciations, anonymes, faisaient état d’une fraude sérieuse au niveau du péage. « Les indices sont là. Les camions que vous voyez n’ont aucune preuve qu’ils se sont acquittés de la taxe du péage »,avait-il déclaré à la presse.
Quelques jours plus tard , le vice-gouverneur, Jean-Claude Kamfwa Kimimba, s’était rendu en personne sur cet axe. Il avait intercepté plus de 20 camions poids lourds. Ces derniers n’avaient pas payé les frais de péage.
Des observateurs avertis estiment que sur l’axe Kasumbalesa/kolwezi , jusqu’à 50 camions ne payent pas quotidiennement le péage. Il est fort probable que la même chose se passe sur l’axe Kolwezi/Kasumbalesa. Ainsi, ce serait près de 100 camions poids lourds qui se soustraient au paiement de cette taxe. En sortant la calculette, c’est près de 30 000 dollars que le trésor public perd quotidiennement au niveau du péage. Cela en ne prenant en compte rien que les poids lourds. Or, plusieurs véhicules de moyens et de petit tonnage fraudent également.
Une taxe pour « les petits citoyens »
Pour calculer correctement les pertes quotidiennes, il faut tenir compte des privilèges accordés aux puissants citoyens. Députés, sénateurs, ministres , corps diplomatiques, véhicules privés, des militaires , des policiers, des services d’intelligence et d’autres catégories , ne payent pas cette taxe. Le citoyen lambda, lui, doit payer sans autre forme de procès. Au bout du compte, le trésor public pourrait bien perdre jusqu’à 100 000 dollars par jour au niveau du péage.
Le conseilleur en matière de corruption de l’Ancien Régime, avait estimé que le trésor public, perdait jusqu’à 15 milliards de dollars américains du fait des détournements des deniers publics. Le péage est certainement l’un des robinets de cette grosse saignée dans les finances publiques.