Fusillades à Kasindi, que s’est-il réellement passé?
Les casques bleus de la MONUSCO , ont ouvert le feu sur la foule. C’était ce dimanche 31 juillet à Kasindi dans le Nord Kivu. Le bilan fait état de 3 morts et de 18 blessés. Le chef de l’État congolais a fait part de « sa désapprobation du comportement de soldat de la paix ». Les Nations unies annoncent également l’interpellation des coupables. Ils seront jugés par leur pays d’origine.
Tard, dans la soirée du lundi, le président de la République a réuni autour de lui un petit comité pour examiner cet incident jugé grave. Le Premier ministre, les présidents des deux chambres du Parlement et quelques ministres ont aussi pris part à cette réunion.
À l’issue de cette rencontre, le président Félix Tshisekedi, a fait part de « sa désapprobation du comportement des soldats de la MONUSCO ». Le même lundi dans la matinée ,les Nations unies avaient aussi fait part de leurs consternations. Ainsi, dans la foulée, l’ONU a présenté « ses sincères condoléances et ses vifs regrets aux familles des victimes ». Cette organisation a aussi informé que les coupables étaient sous les verrous. Leur pays d’origine qui n’est pas mentionné, est appelé à les juger dans les brefs délais. Ici, l’on évoque même un procès public à Kasindi devant les familles des victimes.
Tirs sans sommation
Cependant, les circonstances qui entourent ce drame restent floues. Des sources proches de la MONUSCO, indiquent que des soldats tanzaniens, revenaient de vacances en passant par l’Ouganda . À une centaine de mètres du poste frontalier, ils se seraient retrouvés devant une barrière érigée par des agents de l’État. Ces derniers auraient exigé de contrôler les véhicules qui transportaient ces soldats. C’est à ce moment qu’une foule hétéroclite, hostile, à commencer à s’avancer. C’est alors que les soldats des nations unies ont ouvert le feu sur la foule , jugée hostile par eux-mêmes.
À lire aussi :RDC/Goma : la tension reste vive
Un contexte particulier
Selon ces sources de la MONUSCO s’exprimant sous anonymat, certaines personnes dans la foule, étaient munies de bâtons, de machettes et d’autres armes blanches. Pris de panique, ces soldats ont ainsi ouvert le feu sans aucune sommation. Les mêmes sources, sans excuser ce geste, estiment que le contexte particulier que vit la MONUSCO actuellement , serait à la base de cette panique. Quelques jours auparavant, trois policiers et un soldat de la MONUSCO avaient été tués par balle dans la ville de Butembo . Selon des sources proches de ce dossier, une foule de manifestants, s’étaient approchés de la base de la MONISCO. Ils exigeaient le départ de cette mission onusienne. Parmi eux, il y aurait eu quelques miliciens. Ce sont ces derniers qui auraient arraché des fusils aux soldats congolais. Ils s’en étaient servis pour abattre à bout pourtant.
Toujours vers fin juillet, plusieurs manifestations analogues avaient eu lieu dans plusieurs agglomérations du nord Kivu. Toutes avaient pour but d’ordonner le départ de la MONUSCO.
Un lourd bilan
Selon Daniel Aselo , ministre congolais de l’Intérieur, toutes ces manifestations, ont occasionné la mort de 36 personnes. 13 civils sont morts par balles lors des manifestations anti MONUSCO de Goma. 13 sont mortes à Butembo , dont 4 casques bleus. Les agglomérations de Kanyabayonga et Uvira ont connu respectivement 3 et 4 pertes en vies humaines.3 personnes ont été mortellement touchées à Kasindi.
Manque de professionnalisme
Une source au sein des forces de sécurité congolaises s’étonne du manque de professionnalisme de ces soldats tanzaniens. Selon lui , les troupes tanzaniennes sont parmi les plus aguerries de la MONUSCO . En effet, elles ont, selon lui , fait preuve de leur capacité opérationnelle sur terrain. Il s’étonne alors que de tels militaires, bien formés, aient pu ouvrir le feu sur des civils sans armes à feu. Pour lui, la présence ou non d’hommes armés de bâtons, de couteaux et de machettes, ne saurait expliquer un tel déluge de feu. Selon lui, c’est un usage plus que disproportionné de la force.
Comportement inapproprié
Du côté congolais , on affirme que le commandant des forces de la MONUSCO de Beni,n’a pas avisé de l’arrivée de ce convoi en provenance de l’Ouganda. Ce qui est aussi contraire aux usages. Il est probable que les autorités de la MONUSCO, ne voulaient pas aviser de l’arrivée de ce convoi militaire. C’était sans doute pour éviter d’éventuels attroupements. Cela expliquerait l’étonnement de ceux qui étaient à la barrière. Ce serait la raison pour laquelle ils exigeaient de fouiller les véhicules onusiens.
De plus, du côté de la RDC on fait observer que, la mission onusienne se comporterait souvent de manière cavalière, voire méprisante envers les autorités du pays. Un haut responsable congolais, cite l’exemple des experts des Nations Unies , qui s’étaient rendus dans le fief des miliciens de Kamuina Sapu , sans en avertir ni le gouvernement central , ni les provinciales. Ils avaient ainsi été retrouvés décapités le 17 mars 2017. Ils étaient portés disparus 5 jours auparavant. C’est le cas aussi en décembre 2021, avec la mort au nord Kivu, de l’ambassadeur italien. Il avait été kidnappé puis tué par des hommes armés non encore identifiés. Ni l’ambassade italienne, ni la MONUSCO, ni la PAM n’avaient jugé bon d’avertir les autorités de leur déplacement dans une zone déclarée dangereuse par la RDC. Tout déplacement vers cette région devrait se faire avec l’accompagnement des forces de sécurité congolaise.
La MONUSCO,a fait part de son intention de continuer avec la tâche qui lui a été confiée. Reste à savoir si la confiance pourra être restaurée entre toutes les parties prenantes. Cela évitera ainsi des incidents similaires.