Lubumbashi : transfèrement des détenus, une entorse à la loi
Ce jeudi 24 août 2023, le gouvernement provincial du Haut Katanga annonce avoir transféré quatre détenus à l’une des prisons de la ville de Kinshasa. Ces présumés bandits seront jugés à Kinshasa où ils pourront également purger leurs peines. Pour les activistes des Droits de l’homme, cette pratique est une entorse à la loi.
En effet, cette pratique est courante dans la province. Des personnes arrêtées sont transférées vers d’autres provinces avant d’être jugées. Ce qui est contraire à la constitution de la RDC. Joseph Kongolo, coordonnateur provincial de la Commission Nationale des Droits de l’Homme, évoque l’article 19 alinéa un de la constitution. Celui-ci dispose : « Nul ne peut être ni soustrait ni distrait contre son juge ou contre son gré du juge que la loi lui assigne. » Ce que confirme Timothée Mbuya, Avocat au Barreau de Lubumbashi et coordonnateur de l’ONG Justicia ASBL.
« Une personne en détention préventive est celle qui n’est pas encore condamnée par un jugement devenu définitif ». Cette personne est toujours à la disposition de son juge naturel (magistrat et juge), explique-t-il. Et d’ajouter : « La pratique visant à éloigner les détenus préventifs de leur juge naturel est contre la loi, parce qu’elle vise à les écarter de leur juge naturel ».
Les détenus ont des droits
Ce n’est pas parce qu’une personne a commis un forfait qu’elle n’a plus de droits. Joseph Kongolo insiste sur ce fait. « Il faudrait savoir que parmi ces principes, certains se retrouvent si pas tous dans notre constitution, il y a des principes tels que la personne arrêtée a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable. ». Cette personne a le droit à l’égalité devant la loi et devant les cours et tribunaux. Elle a aussi le droit de l’égalité des armes. « De plus, elle a le droit d’être présentée devant son juge naturel », souligne-t-il. Joseph Kongolo insiste sur le fait que le Juge naturel est celui du lieu de la commission de l’infraction.
Ceci est conforme à certains articles de la constitution. C’est par exemple l’article 12. Celui-ci dispose ; « Tous les Congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois. » Et l’article l’ar17 de la constitution, point 2, renchérit : « Nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné qu’en vertu de la loi et dans les formes qu’elle prescrit. » Ainsi, pour le coordonnateur de la CNDH, ce n’est pas parce que le fait qu’une personne a été arrêtée que ces droits n’existent pas. Pour lui, ce transfèrement doit en principe se faire, lorsque la personne est présentée devant son juge naturel, jugée, condamnée.
Respecter la procédure
Le gage d’une bonne justice est le respect des procédures et des principes. « Un système judiciaire efficace, indépendant, impartial, est respectueux des principes généraux ». Ces principes répondent à des normes des standards internationaux et régionaux applicables à toutes les étapes de la procédure pénale ou spécifiquement à chaque étape, constituent un des piliers de l’état de droit. », explique encore Joseph Kongolo.
Lorsque ces principes ne sont pas respectés, ceci amène parfois à des erreurs judiciaires. « Dans les cas pareils », il arrive que lorsque l’affaire est fixée, les détenus transférés répondent souvent absents. Et parfois ils sont condamnés par défaut », dit Timothée Mbuya. Et d’ajouter : c’est le cas en ce moment dans l’affaire de 144 détenus depuis 6 ans qui passe à la prison de la Kasapa et pour laquelle presque la moitié des détenus ne sont pas présents parce que transférés vers d’autres prisons.
Éviter l’ingérence politique
Il faut noter que généralement le transfèrement des prisonniers est souvent décidé par l’autorité politique. Et pourtant, il s’agit d’une affaire judiciaire. « Les affaires judiciaires ne peuvent pas subir ainsi l’influence d’une personne, une autorité soit-elle, qui n’est pas l’autorité judiciaire qui connaît, qui est appelée à connaître ces affaires-là » s’indigne le coordonnateur de la CNDH. La CNDH fait observer que des pratiques pareilles doivent cesser. Parce qu’elles violent non seulement la Constitution, mais aussi les principes généraux internationaux.