Santé: depuis 2017, 78% de cas de poliovirus en Afrique centrale viennent de la RDC

Santé: depuis 2017, 78% de cas de poliovirus en Afrique centrale viennent de la RDC

Depuis 2017, la RDC fait face à une nouvelle épidémie de poliomyélite. Au cours des six dernières années, le pays a enregistré 1 000 cas de poliovirus du type vaccinal.  Malgré les campagnes de vaccination, la RDC reste le pays avec le taux de prévalence le plus élevé en Afrique centrale.

La poliomyélite est une maladie grave provoquée par le virus du polio. En 2015, la RDC a réussi à éliminer cette maladie grâce à une intensification de la vaccination.  Il n’y a eu aucun cas dans le pays pendant quatre années consécutives soit de  2013 à  2016. Cependant, depuis 2017, la poliomyélite est de retour. Depuis lors, le nombre de cas ne cesse de croître. D’après les données de l”OMS, alors que le nombre de cas n’était que de 22 en 2017, le pays a enregistré 527 en 2022.

Evolution du polio en RDC 2017-2023
Godlive Nyemba/ Guardia

En plus du grand nombre de cas de poliovirus, la RDC est le pays où la prévalence du virus est la plus élevée en Afrique centrale. Le taux moyen dans la région est de 22 %. Mais le pays   a enregistré un taux de 78 % au cours des cinq dernières années. Par exemple, entre 2018 et 2022, le pays a signalé 724 cas.  Ceci représente les trois quarts des cas enregistrés en Afrique centrale. La RDC est donc devenue l’épicentre de cette épidémie dans la Sous-région. Car, certains pays de la sous-région comme le Gabon, la Guinée Equatoriale ou encore le Rwanda n’ont pas enregistré de cas au cours de ces cinq dernières années.

Taux de poliovirus en RDC et en Afrique Centrale

 

Nombre de cas de polio par pays en Afrique Centrale 2017-2023
La Guardia/ Godlive Nyemba

 

Hausse des cas malgré la vaccination

 

La poliomyélite demeure présente en RDC, même si de nombreuses campagnes de vaccination ont été menées. Selon le calendrier vaccinal, chaque enfant reçoit quatre doses avant ses cinq ans.  De plus, depuis 2017 , le pays organise annuellement deux phases de la campagne contre la poliomyélite.  En 2023 par exemple, la campagne de vaccination a visé 23 millions d’enfants de 0 à 5 ans.  

 

Cependant, les campagnes ne parviennent pas à toucher tous les enfants visés par le pays à la lumière des données de l’OMS sur la vaccination. Le pourcentage de vaccination demeure inférieur à 95 %. Or, c’est le taux qui permet à un pays d’atteindre une immunité collective selon l’OMS. Par exemple, entre 2017 et  2023, le taux moyen de vaccination était 74,72 %. Cependant, il existe des pays en Afrique centrale tels que le Burundi ou le Rwanda où le taux de vaccination est largement supérieur. A titre d’exemple, le taux moyen de vaccination entre 2017 et 2022  pour le Rwanda est de 90% et pour le Burundi 85%. .

Taux moyen de vaccination de 2017 à 2023 en Afrique Centrale
Guardia./Godlive Nyemba

 

La poliomyélite d’origine vaccinal

 

Il est important de souligner que le virus présent en RDC résulte du vaccin contre la Polio. Ainsi, il survient après une vaccination . Selon l’OMS, la RDC compte de nombreux cas de poliovirus circulants provenant de la souche vaccinale de type 1 et de type 2.  Ainsi, les épidémies de poliomyélite signalées en RDC ne sont pas causées par le poliovirus sauvage. Puisque ce dernier a été éliminé en RDC depuis 2015. 

  Selon l’alliance de Vaccin Gavi ,  la poliomyélite résultant de la souche vaccinale est décrite comme suit : « Le vaccin contient des virus affaiblis qui peuvent se reproduire, certains d’entre eux peuvent être excrétés par l’enfant vacciné et transmis à d’autres individus« .

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Selon Marie-Josée Kiko, responsable du bureau de l’OMS à Lubumbashi, les souches vaccinales sont le résultat de la sous-vaccination. “Lorsqu’un enfant ne bénéficie pas d’un vaccin, cela favorise la mutation du virus”, explique t-elle. Selon elle, il est envisageable qu’un enfant déjà  vacciné développe la poliomyélite de souche vaccinale.  Elle note également que le vaccin anti polio est extrêmement exigeant. “Si la chaîne de froid est interrompue, cela peut modifier le vaccin et entraîner une mutation du virus”, dit -elle encore. 

Les raisons ….

Même si le virus circulant en RDC est d’origine vaccinale, d’autres raisons concourent à sa transmission. Pour le Professeur Joseph Nsambi, Ministre provincial de la Santé dans le Haut Katanga, d’autres facteurs entrent en ligne de compte.. « La polio persiste, car il y a encore des enfants qui n’ont jamais reçu des doses de vaccination », explique t-il joint par messagerie whatsAPP. En effet, chaque année, la RDC enregistre 780 000 enfants qui n’ont jamais reçu aucune dose de vaccin contre la poliomyélite.

À côté des enfants qui ne reçoivent pas de vaccin, il y a en plus d’autres défis. C’est par exemple le déplacement des populations. « La migration des parents des provinces et des pays frontaliers fait également circuler le poliovirus”, explique encore le Ministre. Il également que l’ethno Culture et les sectes religieuses constituent  aussi des freins à l’éradication de la polio. 

Par ailleurs, la poliomyélite nécessite une surveillance environnementale accrue. « La polio se développe dans un environnement malsain à travers les matières fécales », explique pour sa part Tabitha Mpoyo, épidémiologiste et professeur à l’Université de Lubumbashi. Or, la RDC a un faible  taux d’assainissement. Selon le ministère de la Santé, « le taux d’assainissement n’est estimé qu’à 20 % sur l’étendue du pays ». En Afrique le taux d’assainissement est de 31%.  Ainsi, à cause de l’environnement mal assaini, la circulation du poliovirus est possible.


Les mesures

Afin de combattre le poliovirus, le pays a instauré diverses mesures. C’est d’abord l’instauration des journées nationales de vaccination contre la poliomyélite. De plus, la surveillance communautaire a également été mise en place à travers les relais communautaires. Il convient de souligner que le pays accueille depuis l’année  2020 le Forum national de la vaccination.

Outre les mesures déjà mises en place, d’autres sont nécessaires. “Il faut  sensibiliser les parents au respect du calendrier vaccinal. Mais aussi ils doivent respecter des mesures d’hygiène, comme le lavage des mains”, explique encore Tabitha Mpoyi, épidémiologiste et professeur à l’Université de Lubumbashi.

Pour sa part Docteur Kaya Mulumbati, point focal de la Thématique santé à la Société Civile du Haut Katanga souligne l’importance du financement du secteur. ”Il est primordial de garantir un financement adéquat du système de santé », dit-il.  Il estime par ailleurs que le financement résoudra d’innombrables défis. « Cela nous donnera la possibilité de disposer de structures de santé appropriées. Ainsi, il nous sera  également possible de nous procurer des vaccins de qualité”.  Il pense aussi que l’assainissement  joue un rôle capital. Le gouvernement doit donc assurer la desserte en eau potable. Car selon le Programme Elargi de Vaccination, le poliovirus sauvage a été détecté dans certains cours d’eau de Lubumbashi. Or, certaines  populations utilisent l’eau des cours d’eau pour leurs  besoins, ce qui contribue à la propagation du virus.

De plus , il faut que le pays s’aligne sur la stratégie de l’éradication de la polio 2022-2026 de l’UNICEF. Celle-ci est axée sur cinq piliers. C’est entre autres favoriser l’acceptation du vaccin par un engagement des communautés. Aussi, il faut  modifier les opérations de campagne de riposte et renforcer la détection des cas.