Pluralisme médiatique en RDC : une diversité en façade, une indépendance en souffrance

Pluralisme médiatique en RDC : une diversité en façade, une indépendance en souffrance

La République démocratique du Congo célèbre ce 22 la journée de la presse.  À ce jour, le pluralisme médiatique est une réalité en RDC au regard du nombre important des maisons de presse.  Les radios communautaires, les télévisions locales, les journaux indépendants et plateformes en ligne donnent l’impression d’un pluralisme vivant.  Mais pour certains journalistes, cette diversité apparente masque une réalité plus inquiétante.  Le pluralisme éditorial et idéologique recule sous la pression politique, économique et sécuritaire.

La RDC compte aujourd’hui plus de 4 000 stations de radio, dont la majorité sont communautaires. Ces antennes locales sont souvent animées en langues nationales.  C’est notamment en kiswahili, en lingala, en kikongo, en tshiluba. Ces radios jouent ainsi un rôle crucial dans l’accès à l’information  surtout dans des zones rurales.  Par contre dans les grandes villes comme Kinshasa ou Lubumbashi, les chaînes de télévision se multiplient.  Elles proposent des contenus variés allant de l’actualité à la culture urbaine.

Les médias en ligne prennent également de l’ampleur. Selon Reporters sans Frontières, le pays compte 40 médias en ligne. Plusieurs plateformes numériques dynamisent le secteur.  Ils apportent des contenus originaux, interactifs et souvent tournés vers un public diversifié.  Ce renouveau numérique participe à élargir l’espace public. « Le pluralisme évite la confiscation de l’information par les plus puissants », déclare Guillaume Kazadi, enseignant en journalisme.

Pour Beni Rashidi, directeur de la radio Phoenix Université à Lubumbashi, le pluralisme médiatique est un acquis de la démocratie.  « La possibilité pour le public de suivre plusieurs médias dans une approche de diversification thématique est une bonne chose pour notre pays.  En plus, cette diversité est prévue dans son texte fondamental, la constitution », dit-il.

Un pluralisme fragile

Derrière cette effervescence des médias se cache toutefois une autre réalité.  En effet, une grande partie des médias congolais sont détenus ou financés par des acteurs politiques.  Certains sont perçus comme proches du pouvoir ou de figures de l’opposition.  Ce contrôle politique affecte négativement les lignes éditoriales des médias ainsi que la qualité de l’information.  En outre, il conduit à assurer des couvertures médiatiques souvent partiales, surtout en période électorale ou de crise sécuritaire.  « La plupart des médias ont été créés, pour des raisons de propagande.  Lorsque le traitement de l’information est orienté selon les couleurs politique, économique et/ou socioculturelle, la qualité en prend un coup« , soutient Guilaume Kazadi.

De son côté, Didier Makal, professeur à la faculté des sciences de l’information et de la communication, est plus tranchant. « Nous assistons à un pluralisme médiatique avec une faible pluralité de l’information », dit-il.  Et d’ajouter que « plusieurs journalistes refusent de réfléchir et de chercher à mieux connaître. Ainsi, ils se contentent des seules déclarations des politiciens et d’hommes riches comme si le fait de déclarer une chose était suffisant pour qu’elle soit vraie. »

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Rebecca Faila, directrice des informations chez Malaika Télévision, indique que malgré le nombre important des médias, la qualité de l’information baisse en RDC. « Trop de médias naissent sans une réelle ligne éditoriale. Certains sont inféodés aux intérêts politiques et économiques.  Conséquence, le public est exposé aux informations non vérifiées, aux contenus sensationnels et même à la désinformation. »

Précarité contre indépendance

La presse en RDC fait aussi face à une grande précarité économique.  Faute de revenus et de soutien public structuré, beaucoup de rédactions vivent du « coupage ». En effet, c’est une pratique qui consiste à monnayer la couverture médiatique d’événements ou de personnalités.  Cette dépendance financière nuit gravement à l’indépendance des contenus, déplore Guillaume Kazadi.

« Le pluralisme sans moyens financiers conduit à des dérives comme le coupage. Le journaliste qui dépend de ses sources d’information, ne peut pas œuvrer pour la qualité. Sa conscience est corrompue. »

En 2025, le pluralisme médiatique congolais est pris en étau entre l’abondance des informations et la fragilité réelle des maisons de presse. Si la diversité des supports et des langues demeure un atout incontestable, l’indépendance éditoriale et la sécurité des journalistes sont gravement compromises.