RDC-Barrage de Busanga : entre opacité et manque à gagner

Alors que la RDC aspire à combler son déficit énergétique, le projet du barrage hydroélectrique de Busanga, censé incarner un symbole de coopération sino-congolaise, suscite aujourd’hui des doutes profonds sur sa rentabilité réelle et sa gouvernance. Dans un rapport publié ce mois de juillet et présenté ce 29 juillet à Lubumbashi, la coalition Le Congo n’est pas à vendre (CNPAV) alerte sur les dérives de ce projet et le manque à gagner qu’il occasionne.

Porté par la SICOHYDRO, le projet Busanga a été pensé pour fournir près de 240 MW d’électricité, principalement pour alimenter la gigantesque mine de SICOMINES. Pourtant, comme le souligne le CNPAV, la RDC n’en détient que 40 % des parts après renégociation contre 60 % pour les investisseurs chinois. Derrière les promesses d’énergie et de développement, le rapport dénonce une série de déséquilibres structurels.
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« Les apports de la RDC n’ont pas été valorisés. Ces apports sont constitués, par exemple, de la concession qu’on a donnée au projet, de l’autorisation de l’utilisation de l’eau, de terrain, et même des exonérations fiscales totales, dénonce Freddy Kasongo, membre de CNPAV.
Busanga : manque à gagner
En plus du déséquilibre structurel, le CNPAV pointe du doigt le manque à gagner. En premier lieu, celui-ci se situe au niveau des gains fiscaux. « Pendant la durée de la concession, de 30 ans, le Congo ne va pas percevoir de redevances sur l’eau qui sera turbinée », indique encore Freddy Kasongo.
L’État congolais aurait aussi octroyé à SICOHYDRO un ensemble d’exonérations fiscales, douanières et parafiscales d’une ampleur exceptionnelle. Des engagements qui, selon le CNPAV, privent le pays de revenus publics cruciaux, tout en affaiblissant son pouvoir de régulation.
Le manque à gagner se situe aussi sur le prix de l’électricité. L’électricité générée par cette centrale est vendue avec une remise de 20 %. Or le principal client de ce barrage est également une entreprise chinoise. « Et nous, nous disons, si les entreprises chinoises doivent payer avec une remise de 20 % du prix de la région, il y a un problème », fustige encore ce membre de CNPAV. Et de conclure : « Si nous combinons tous ces facteurs, nous pensons que le projet ne sera pas rentable.On pourrait avoir moins de cash qu’on va capter, mais on aura beaucoup de charges obligatoires ».
Une privatisation déguisée des intérêts de l’État
Parmi les points les plus préoccupants, il y a l’introduction dans l’actionnariat de la société privée Congo Management (COMAN). Celle-ci détient à elle seule 15 % des parts de SICOHYDRO, sans mandat légal clair ni justification administrative. Alors que l’État congolais n’en possédait que 10 %. « Aujourd’hui, l’État a renégocié ses parts à 40 %. Il existe toujours un flou sur la répartition de ces parts dans Busanga », a encore expliqué Freddy Kasongo.
Le CNPAV appelle à un sursaut gouvernemental.
Face à ces constats alarmants, le CNPAV formule plusieurs recommandations clés. C’est notamment un audit indépendant du projet SICOHYDRO. Il propose aussi la révision des accords juridiques et la revalorisation des apports de la RDC. Le CNPAV suggère aussi une modélisation économique transparente du projet.
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C’est ainsi que certains acteurs présents lors de la présentation de ce rapport ont préconisé des actions. « Nous devons nous mettre ensemble pour mener des actions sur cette question« , a proposé DUC Mbuyi, activiste du mouvement la Lutte pour le Changement.
Ce rapport constitue une nouvelle alerte sur la nécessité de défendre les intérêts congolais dans les ambitieux projets d’infrastructure. Car, comme le conclut le CNPAV, “le manque à gagner coule à flot pour le Congo”, au profit d’acteurs étrangers et privés qui bénéficient d’une rente sans obligation équivalente.