RDC-Economie: baisse du taux de change, véracité ou arnaque ?
Depuis trois semaines, le taux de change du franc congolais contre le dollar connait une chute vertigineuse. Le franc congolais s’affiche en pleine forme. Face au dollar, il se renforce jour après jour, à en croire la Banque centrale du Congo (BCC). Mais dans les rues de Lubumbashi comme dans les marchés, la réalité contredit les chiffres officiels. Enquête sur un mystère monétaire qui intrigue tout le pays.
Cette semaine par exemple, le dollar a connu une baisse vertigineuse. Tout commence le lundi 13 octobre : la BCC publie un taux de 2 300 CDF pour 1 USD. Le lendemain, le dollar chute brutalement à 2 200 CDF, avant de connaitre une légère hausse le jeudi. Depuis lors le taux oscille 2150 et 2200 CDF pour un dollars.

Pour la banque centrale » d’apres ,tous les indicateurs du marché , le franc congolais va continuer à s’apprécier » a expliqué André Wameso, directeur de cette institution. Pendant ce temps la BCC a mis en place d’autres mesures comme la réduction de son taux directeur.
Cependant, malgré ces assurances beaucoup n’y croient pas. Car, derrière ces chiffres, un flou s’installe. La monnaie nationale s’apprécie , mais sa stabilité dans le temps inquiète.
Des prix inchangés malgré la “force” du franc
Si la monnaie s’apprécie, cependant elle alimente toute sorte de spéculations. A Lubumbashi par exemple, le dollar s’achète à 2 500 francs congolais et se revend à 2 150 CDF auprès des changeurs de monnaie. Les opérateurs de télécommunication, eux, appliquent leurs propres taux . Chez Airtel un réseau de télécommunication mobile , 100 unités s’achètent à 2 470 CDF, l’équivalent d’un dollar. Rien à voir avec le taux officiel de 2164 pour un dollar américain.
Le marché réel semble donc ignorer totalement la BCC. Un cambiste rencontré près de la Poste à Lubumbashi lâche « On ne peut pas suivre leurs chiffres. Ce sont des taux de bureau, pas de terrain. »
En théorie, la hausse du franc congolais devrait alléger la facture des ménages. En pratique, les prix ne bougent presque pas. Cependant dans les marchés populaires, on observe quelques baisses timides même si chaque commercant y va de sa manière.
Dans certains lieux de négoce comme au marché Mzee Laurent Desiré Kabila, le prix le sac de farine de maïs a baissé de 30 % . Il passe de 55 000 à 38 000 CDF. Le sac de sucre de 50 Kg perd aussi à peine 6 %. En outre, le bidon d’huile végétale se vend à 75 000 CDF au lieu de 80 000 CDF soit une baisse de 6 %. Face à ce qui ressemble à une diminution des prix, une vendeuse de farine tempère la joie d’une cliente : « Ne te réjouis pas, maman. Ce que tu vois, ce sont juste des chiffres. En réalité, rien n’a changé.»

En effet le prix du sac de la farine indexé en dollar et au taux actuel, vaut 15$.
Mais dans les supermarchés du centre-ville, les étiquettes sont figées. « Nous vendons encore selon le taux de 2 800 CDF pour 1 USD », confie un employé d’un super-marché sur avenue Moero. « Les chefs attendent d’écouler les anciens stocks avant de revoir les prix. Ils ont ainsi sollicité un delai d’un mois pour leur épargner des pertes »
Face au taux de change, confusion dans les écoles et ailleurs
Dans les écoles, c’est la confusion qui y règne. Certains promoteurs exigent les frais scolaires au taux de 2 900 CDF pour 1 dollar. D’autres par contre refusent le paiement en dollars. Ainsi, plusieurs responsables d’écoles ont convoqué les parents d’élèves afin de réajuster le taux du minerval. C’est le cas du complexe scolaire Bupe de Kasumbalesa. Résultat : parents et directions se disputent sur les nouveaux barèmes.
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Le non respect du taux de change s’observe meme auprès des sociétés publiques. Par exemple, la société nationale d’électricité, a appliqué le taux de 2000 CDf pour un dollars. Alors que le le 13 octobre le taux etait à 2 300CDF pour un dollar, cette société a vendu un crédit d’électricité de 20$ à 40000 CDF.

Méfiance …
Malgré la légère remontée du dollar le 16 octobre, la méfiance persiste. Beaucoup voient dans cette baisse soudaine une manipulation politique ou financière. En outre, certains Lushois restent méfiants sur les effets positifs de cette politique. « Économiquement, c’est inexplicable d’autant plus que notre économie est extravertie. Le peuple a perdu son pouvoir d’achat. Cette chute brutale du taux de change aura un impact néfaste sur les reserves nationales et sur l’économie », estime Alain Mikobi, un économiste local.
Dans le camp politique, la députée Benatar Chilufya, présidente de la commission provinciale de l’emploi et de l’entrepreneuriat au sein de l’ assemblée provinciale du Haut-Katanga, dénonce un véritable “crime économique”.
Lors d’un point de presse à Lubumbashi, elle accuse la BCC de plonger les ménages dans la misère :« Le Haut-Katanga a perdu plus de 35 % de son pouvoir d’achat du jour au lendemain. Le gouverneur de la Banque est entré dans la poche du pauvre et l’a déchirée ! »
Pour elle, cette mesure précipitée n’a pas été préparée. Elle risque ainsi de créer une crise alimentaire si rien n’est fait.
« Aujourd’hui, c’est la population qui paye le prix le plus fort. Si nous ne prenons pas garde, nous risquons de connaitre le pire et le pays risque d’entrer dans une crise alimentaire. » En outre, le franc congolais ne reprendra sa vraie valeur que si nous produisons localement et exportons nos produits », martèle-t-elle.
Une appréciation “virtuelle” du franc ?
Pour de nombreux observateurs, cette “baisse du dollar” est purement technique,voire artificielle.
Les raisons exactes restent floues : aucune communication claire du ministère de l’Économie, aucun plan de stabilisation monétaire annoncé.

