FONAREV : trois ONG saisissent le Conseil d’État contre un décret jugé illégal
La tension monte autour de la répartition des revenus miniers en République démocratique du Congo. Trois organisations de la société civile, à savoir Comprendre et agir dans le secteur minier industriel et artisanal (CASMIA-G), JUSTICIA ASBL et APDHJ, ont saisi le Conseil d’État pour demander l’annulation du décret nᵒ 23/32 du 26 août 2023, signé par le Premier ministre en faveur du FONAREV. Selon elles, ce texte viole la loi minière. De plus, il détourne une partie des ressources publiques au profit du Fonds national de réparation des victimes de violences sexuelles et des crimes contre la paix (FONAREV).
Le recours, déposé le 5 novembre 2025 au greffe du Conseil d’État, est clair. Les trois ONG accusent le gouvernement d’avoir outrepassé ses compétences. Le décret contesté fixe les modalités de recouvrement et de répartition de la redevance minière, mais il modifie la clé légale prévue par le Code minier, notamment l’article 242 de la loi nᵒ 18/001 du 9 mars 2018.
Selon cette loi, les parts de la redevance minière sont réparties comme suit : 50 % pour le Trésor public, 25 % pour la province, 15 % pour l’entité territoriale décentralisée, 10 % pour le Fonds minier pour les générations futures.
Mais le décret du 26 août 2023 a introduit de nouvelles affectations, dont une partie attribuée au FONAREV. Un fonds créé pour venir en aide aux victimes de violences sexuelles liées aux conflits. « En modifiant les proportions fixées par la loi, le gouvernement a franchi les limites de la compétence réglementaire. Il a violé le principe de la hiérarchie des normes et celui de la légalité administrative« , affirment les requérants.
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Des griefs fondés sur la transparence et la gouvernance
Les trois organisations ne se limitent pas à une lecture juridique. Elles dénoncent aussi une atteinte grave au principe de transparence et de bonne gouvernance. Dans leur requête, elles rappellent que les revenus miniers constituent un pilier essentiel pour le développement des provinces et des communautés locales situées dans les zones d’exploitation.
En redirigeant une partie de ces fonds vers le FONAREV, le décret affaiblirait les moyens des entités locales. En outre, ce décret créerait un déséquilibre dans la gestion des ressources naturelles. Les ONG invoquent également la loi sur la transparence dans les industries extractives (ITIE), qui impose à l’État de garantir la publication, la traçabilité et la répartition équitable des revenus issus du secteur minier.
FONAREV au cœur de la controverse
Créé en 2022, le FONAREV a pour mission de financer les réparations en faveur des victimes de violences sexuelles liées aux conflits et autres crimes contre la paix. Mais depuis plusieurs mois, ce fonds public est au centre d’une polémique. Plusieurs ONG, dont CASMIA-G, ont dénoncé un manque de transparence dans sa gestion. Cette ONG a aussi dénoncé des rémunérations jugées excessives de ses dirigeants. Elles estiment que les ressources minières destinées au développement local ne devraient pas être redirigées vers des institutions dont la reddition de comptes reste floue.
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Dans leur recours, les trois organisations demandent au Conseil d’État plusieurs choses. C’est notamment l’annulation du décret nᵒ 23/32 du 26 août 2023 pour excès de pouvoir. Elles recommandent également au Conseil d’Etat d’exiger la restitution des fonds perçus par le FONAREV au bénéfice du Trésor public, des provinces, des entités décentralisées et du Fonds minier pour les générations futures.
Pour plus de transparence, elles exigent aussi la publication du jugement au Journal officiel pour garantir la transparence du processus. Et enfin elles exigent la condamnation de l’État congolais aux frais et dépens.
Pour elles, cette action n’est pas politique mais citoyenne. Elles veulent « restaurer la légalité » et protéger les recettes minières contre toute affectation contraire à la loi.
Un test pour la justice administrative
Cette affaire contre le FONAREV sera un test de crédibilité pour le Conseil d’État, qui devra trancher entre la volonté du gouvernement d’élargir les bénéficiaires de la redevance minière et la stricte application de la loi.
Si le recours aboutit, le décret du 26 août 2023 pourrait être annulé dans toutes ses dispositions, avec un impact financier majeur pour le FONAREV et les institutions concernées.
Derrière cette bataille juridique, c’est la gouvernance des revenus miniers qui est en jeu. Dans un pays où les richesses naturelles représentent plus de 90 % des exportations, chaque pourcentage de redevance pèse lourd sur les budgets provinciaux et le développement local.
Les trois organisations affirment leur détermination à poursuivre le combat pour la légalité, la transparence et la justice sociale dans la gestion des ressources du pays. Elles disent espérer que le Conseil d’État « fera prévaloir la loi et protégera les droits des communautés ».
Ces ONG ont toujours insisté sur le fait que toute modification de ces proportions relève du législateur, et non du pouvoir exécutif. C’est sur cette base que les ONG parlent d’un excès de pouvoir du gouvernement.

