RDC-Électricité : les chiffres déraillent, les doutes grandissent
Le débat sur l’accès à l’électricité en République démocratique du Congo vient de prendre une nouvelle dimension. Alors que le gouvernement annonce des avancées majeures, les organisations de la société civile, réunies au sein du Réseau Mwangaza, appellent à la prudence. Elles pointent des données contradictoires, des risques de dérive et un manque de transparence. Dans le même élan, Fredy Kasongo, de l’Observatoire d’études et à la responsabilité sociétale et environnementale OEARSE, apporte un éclairage qui renforce ces inquiétudes.
Lors du Business Forum Makutano 2025, le ministre des Ressources hydrauliques et de l’Électricité a affirmé que le taux d’accès à l’électricité est passé de 9 % à 21,5 % en cinq ans. Une progression de près de 200 %. Mais pour le Réseau Mwangaza, ces chiffres ne tiennent pas face aux autres sources. L’Autorité de régulation du secteur de l’électricité (ARE) parle de 10,3 %. La Banque mondiale évoque 22,1 %. GOGLA, une association dans le secteur de l’énergie, mentionne 19 %. Autant de données qui ne racontent pas la même histoire.
Cette cacophonie statistique empêche toute évaluation sérieuse, indique le Réseau Mwangaza. Sans un taux d’accès harmonisé, il devient impossible de mesurer l’impact réel des projets en cours ou annoncés.
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Les mégawatts annoncés : un bénéfice pour qui ?
C’est là que l’analyse de Fredy Kasongo intervient. Pour lui, les annonces récentes, notamment l’injection de 192 mégawatts supplémentaires dans le réseau national, soulèvent plus de questions que de réponses. « Le président dit que le pays va injecter 192 MW, mais on ne sait pas de quels barrages, quels projets, et avec quelles études de faisabilité », souligne-t-il.
Il rappelle que dans plusieurs cas, comme celui du barrage de Busanga, l’énergie produite a été dirigée quasi exclusivement vers l’industrie minière. « On peut injecter 192 MW sans que cela n’apporte rien à une communauté locale », insiste-t-il.
Cette remarque rejoint les préoccupations du Réseau Mwangaza : le taux d’accès des ménages reste extrêmement faible, surtout en milieu rural où il n’atteint qu’1 %. Pendant ce temps, les industries minières, largement mieux servies, absorbent une part importante de l’énergie disponible.
Des projets ambitieux, mais une transparence insuffisante
Le gouvernement prévoit notamment : l’électrification de 78 000 villages, la construction de 100 centrales solaires et hybrides, une étude de faisabilité pour une usine congolaise de panneaux solaires. Mais Fredy Kasongo rappelle que l’absence de transparence et de redevabilité dans un secteur exposé à la corruption peut transformer ces initiatives en « éléphants blancs ». Aucune avancée durable n’est possible, dit-il, sans des données fiables, un suivi public et une affectation claire de l’énergie produite.
Les deux sources, à savoir le réseau Mwangaza et Freddy Kasongo, convergent sur un point essentiel : le besoin de diversifier le mix énergétique et d’accompagner les acteurs privés. Fredy Kasongo rappelle que le secteur est libéralisé depuis 2014, mais qu’aucun projet privé majeur n’a encore été soutenu ou facilité.
Il insiste sur la nécessité de facilitations douanières et administratives pour les technologies renouvelables. Il plaide également pour que les ménages et les petits producteurs deviennent de véritables acteurs de la transition énergétique.
Le Réseau Mwangaza, de son côté, demande au gouvernement : d’harmoniser les données sur l’accès à l’électricité, de les désagréger par catégorie (ménages, industries, PME), et de rendre publics les mécanismes de transparence liés aux nouveaux projets.
L’accès à l’électricité ne peut plus être évalué uniquement à travers des mégawatts injectés dans le réseau. La vraie question est : qui bénéficie réellement de cette énergie ? Pour le Réseau Mwangaza comme pour Fredy Kasongo, le défi est clair : moderniser le secteur, fiabiliser les chiffres et garantir que chaque kilowatt produit serve d’abord aux Congolais.

