RDC-Covid19: entre business et urgence sanitaire
Depuis le début de l’epidemie declaree le 10 Mars dernier En République Démocratique du Congo(RDC), le premier ministre affirme avoir débloqué de Mars à juin, plus de 10 millions de dollars pour la riposte contre la maladie à Coronavirus. Le responsable du secrétariat technique de riposte contre la pandémie, affirme quant à lui n’avoir géré que moins d’1,5 million de dollars. Le ministre national de la Santé, dit n’avoir géré que quelque 3 millions. A cela s’ajoute un climat de grogne des agents, du personnel soignant non payés, des difficultés pour l’obtention du certificat médical de dépistage Covid pour les voyageurs.
Il est 14 heures nous sommes dans la salle d’attente du grand laboratoire de Lubumbashi. Sur place nous rencontrons Serges la quarantaine révolu visage renfrogné et en colère. Il vient de passer 7 heures à attendre: «Je suis ici depuis le matin, il fallait attendre. Il y a plusieurs raisons qu’ils avancent. De fois on peut vous sortir les résultats, le nom est mal saisi…Soit vous devez attendre qu’on puisse mettre le seau ou c’est l’imprimante qui fait défaut… Bref, il y a beaucoup des raisons qui ont fait qu’on puisse tarder. Je voyage demain déjà. Enfin j’ai mon certificat ».
D’autres requérants sont plus durs. Ils vont jusqu’à parler de dysfonctionnement au grand laboratoire de Lubumbashi et invitent le ministre provincial de la santé à y mettre de l’ordre. C’est le cas de cette dame Dorcas trouvée ce lundi à l’entrée du grand Laboratoire de Lubumbashi. Elle hausse le ton en furie. « Au Grand Laboratoire, c’est la catastrophe, c’est le désordre. On vous fait un prélèvement, on vous demande de passer 24 heures après. Eh bien, vous pouvez y passer 1, 2, 3, 4,5, 6 heures du temps. C’est très stressant si vous devez prendre le vol dans la journée. Personnellement je suis arrivée à 14 h 30 et j’ai quitté le lieu à 18 h 00. Il y a des échantillons qu’on ne retrouve pas, on demande aux requérants de brandir de nouveaux leurs identités. Les gens s’énervent, ils crient… c’est tout simplement incroyable ».
Le ministre provincial de la santé dans le Haut Katanga quant à lui, se veut rassurant. Pour Joseph Sambi, c’est l’engouement du début, tout va rentrer dans l’ordre avec le temps. Et il assure que les résultats délivrés par le grand Laboratoire de Lubumbashi sont les seuls fiables et reconnus par le gouvernement.
« Il y a un engouement des voyageurs. Les gens étaient bloqués pendant quatre mois, et maintenant, tout le monde afflue vers le seul centre provincial qui a la capacité de donner des résultats fiables qui engage la province et le pays, c’est normal. Tout le monde veut voyager, tout le monde veut obtenir les résultats dans le délai mais il y a des exigences techniques et technologiques. Donc il faut un minimum d’attente des trois heures pour obtenir les résultats. Et les machines ont aussi une capacité, donc on ne peut faire des tests autant qu’on veut. La plupart des demandeurs vont voyager et nous allons revenir à la situation normale », a précisé Joseph Nsambi.
En attendant, certains demandeurs craignent que dans ce qu’ils qualifient de désordre, les résultats des tests qui leur sont remis ne soient pas fiables. Le ministre provincial de la santé dans le Haut Katanga indique que l’on peut mal écrire le nom d’un requérant mais « se tromper des résultats, je ne suis pas vraiment sur » précise Joseph Nsambi.
Un test couteux
Dorgel en provenance de la Cote d’Ivoire vient de passer une heure du temps retenu à l’aéroport de Ndjili ce mercredi 4 Novembre 2020 contre son gré par le Programme national de l’Hygiène aux frontières (PNHF) et l’INRB (Institut de recherches biomédicales). Motif: payer 45$ pour se faire tester au COVID19. Une absurdité s’écrie-t-il car d’après lui, il vient de passer un test il ya 48h.
«Je leur dis que je n’étais pas au courant de cette nouvelle procédure. En tout état de cause, j’ai présenté un test de l’Institut Pasteur en Côte d’Ivoire d’où je viens. Ils n’ont rien voulu savoir. Un d’entre-eux a brandi le principe de réciprocité. Je lui ai dis que cela n’avait aucun sens car le test covid fait en RDC est accepté en Côte d’Ivoire. Où je n’ai pas eu besoin d’un second test pour entrer. C’est alors qu’un autre agent INRB/PNHF me sort l’argument de l’Inde en disant que la plupart d’indiens, tests COVID en mains, sont testés positifs en n’arrivant en RDC. Et d’ajouter que le gouvernement indien ne reconnaît pas les tests de la RDC. Je leur dis que dans cette hypothèse, vos tests doivent se limiter à ceux qui viennent de l’Inde. Et ne doivent pas être généralisés. C’est alors qu’un autre agent me sort la rengaine: « c’est pour vous protéger ».
Bien qu’énervé Dorgel a pu sortir un sourire narquois. Quoiqu’il en soit lui ai-je dit, ses résultats ne seront disponibles qu’endéans 48h. Donc, si je le Covid, je le transmettrai bien avant qu’ils me parviennent». Conclut-il
Selon le ministre provincial de la santé, le grand laboratoire de Lubumbashi traite en moyenne 300 échantillons par jour et le test du coronavirus pour les voyageurs coûte 30 dollars. Ce qui ramène la recette journalière à 9000 dollars Americains.Un montant jugé exorbitant dans une situation dite d’urgence sanitaire. Christian Katalayi s’exprime à ce sujet « 30$ pour un test de covid c’est trop cher dans un pays comme le nôtre il fallait que les autorités fixent un prix raisonnable en fonction du niveau de vie de tous les congolais sinon ça c’est favoriser seulement une seule catégorie des personnes au détriment des ceux qui sont démunis… par exemple moi je suis en train de voyager dans le compte d’une ONG internationale qui m’invite à Kinshasa, à part le billet l’ONG m’a demandé de prendre en charge tous les autres frais et en tant que fonctionnaire de l’Etat débourser 30$ pèse énormément sur mon budget ».
Une gestion peu transparente des fonds
Des responsables de la gestion des fonds alloués à la riposte contre la Covid-19 sont mis en accusation par l’Inspection générale des finances (IGF) à l’issue d’une enquête qui remet en cause plusieurs personnes, dont des membres du gouvernement. Le ministre de la Santé, Eteni Longondo, est parmi les personnalités soupçonnées de malversations financières pour, notamment, la surfacturation de soins et de services aux malades.
Son collègue des Finances est cité pour avoir notamment ordonné le paiement de dépenses non facturées, selon une source proche de l’enquête. D’autres personnes soupçonnées sont, soit responsables à la Banque centrale, soit responsables de services rattachés au gouvernement.
Devant la presse, Jules Alingete, inspecteur général des Finances, est rassurant. Il affirme que la justice interpellera les personnes impliquées. C’est sur demande du président Felix Tshisekedi que l’IGF avait lancé ses enquêteurs pour auditer les comptes de plusieurs administrations.
Le premier ministre Sylvestre Ilunga affirme avoir débloqué de mars à juin, plus de 10 millions de dollars pour la riposte, le responsable de la lutte contre la pandémie, Jean Jacques Muyembe, lui declare n’avoir géré qu’un peu moins d’1,5 million de dollars depuis l’apparition des premiers cas. Pour sa part, le ministre de la Santé, dit avoir géré que 3 millions. Le tout dans un climat de grogne des agents et du personnel soignant non payés. A cela s’ajoute, des allégations massives de listage de faux cas pour gonfler le budget.
Une copie de ce rapport a été remis, en Aout dernier, au président Félix Tshisekedi et au premier ministre Sylvestre Ilunga. Le parquet général près la cour de cassation a été saisi pour des poursuites judiciaires.
Des accusations en accusations
Selon le terme de Eteni Longondo, ministre national de la sante, le ministère des finances avait ordonné par « mégarde » un « double décaissement des fonds de primes » des agents de la cellule de riposte contre la Covid19 en RDC pour le mois de Février, mars et avril 2020. Ces fonds n’ont jamais été retournés à la BCC. À l’Inspection générale des finances, on persiste à dire que les gestionnaires de ces fonds ont du mal à justifier l’utilisation des 10 millions de dollars affectés par le gouvernement à la lutte anti-Covid-19. C’est le cas d’une correspondance venue de l’hôpital du Cinquantenaire de Kinshasa et adressée au ministre de la Santé avec copie à l’Inspection générale des finances qui révèle que l’établissement hospitalier avait interné et soigné 268 malades atteints du Covid-19, pour un coût de 12 000 dollars par personne et une hospitalisation de plus ou moins vingt jours chacun.
Selon une source a l’IGF, les 3 millions de dollars destinés à l’hôpital du cinquantenaire ont été payés, en espèce, au guichet, une pratique qui n’est pas autorisée par la loi en RDC. À cela, s’ajoutent des dépenses douteuses, déclarées mais non justifiées par le ministère de la Santé, de deux millions de dollars. Parmi ces dépenses, l’achat d’ambulances pour 260 000 dollars dans le cadre du plan Covid, ambulances qui n’ont jamais été livrées, précise cette source.
Remis en cause dans le décaissement des fonds par l’IGF, le ministre congolais des finances, Sélé Yalaguli, se dit surpris et assure n’avoir pas été complaisant face aux actes de mauvaise gestion décriés par l’IGF de la part notamment du ministère de la Santé. « Qu’ai-je à me reprocher ? Je devais exécuter les instructions des plus hautes autorités du pays. Au regard de l’urgence, il fallait mettre à disposition des ressources pour protéger la population congolaise, quitte à ce que les services utilisateurs de ces ressources en fassent bon usage et justifient sur base de preuves documentées ».
Depuis le début de la pandémie le 10 Mars 2020 jusqu’à ce jour, en RDC, le cumul des cas est de 11.485 cas positifs confirmés et un cas probable.