Lubumbashi: les difficultés pour les victimes de viol d’accéder à la justice
La RDC reste un des pays ou le viol des femmes est souvent utilisé comme une arme de guerre. Dans le Haut Katanga, plus au Sud de la RDC, la division provinciale du genre famille et enfant a répertorié plus de 315 cas de viol pour l’année 2020. Les victimes, souvent, sans ressources financières sont confrontées à la corruption. Elles accèdent difficilement à la justice.
Mylaine (Nom d’emprunt), est cette jeune fille qui a préféré gardé l’anonymat. Elle est accueillie à la clinique juridique de Lubumbashi. Elle a subi un viol il y a quelques mois. Elle vient chercher une assistance afin qu’elle saisisse la justice.
« J’ai moins de 18 ans et l’homme a 33 ans. Nous vivons dans un même quartier. Le papa du jeune homme m’a obligée d’épouser son fils alors que je suis mineure. Un jour le jeune homme m’a pris de force et là Je suis enceinte. Aujourd’hui sa famille m’a jetée dehors. Moi-même, je ne peux pas saisir la justice car de je n’ai pas d’argent »
A Lubumbashi, la clinique juridique est l’unique structure qui accompagne les victimes de violences sexuelles devant les instances judiciaires. Il y a quelques années, elle accompagnait 100 victimes par an. Aujourd’hui, elle ne peut suivre que 20 cas car elle n’a plus de financement. Mais il y a une autre difficulté. Les magistrats exigent aux victimes souvent des frais qui vont parfois jusqu’à milles dollars et c’est au-delà de leurs moyens financiers. Explique Timothée Mbuya responsable de la clinique Juridique
« Il faut confirmer la plainte, il faut acheter des papiers….Quand un magistrat doit descendre sur le terrain pour aller revivre la reconstitution des faits, il demande toujours des frais. Le non payement de ces frais-là met parfois le magistrat dans la position inconfortable de demander aux parties de trouver un compromis ».
Quand l’argent gagne des procès
« Maintenant il faut apprêter l’argent à donner aux juges qui ont siégé pour gagner ton procès », lance Maître Georges* à sa client au sortir de l’audience du tribunal de grande instance de Lubumbashi.
En effet, Maître Georges* venait de terminer ses plaidoiries il y a quelques minutes. Mais malgré que les débats au tribunal se soient passé en sa faveur, il n’est pas aussi sûr qu’il en sera autant lors du jugement. « Nous avons toutes les pièces essentielles pour gagner ce procès mais pour des juges souvent l’argent l’emporte sur les pièces » confie Mylaine citée ci haut * sa cliente.
Dans les juridictions du Haut-Katanga, nombreux juges exigent l’argent aux parties en procès pour influencer les choses à leurs avantages. On appelle cette pratique « diligenter son dossier ».
Ainsi, la partie qui diligente a toutes les chances de remporter le procès. « Un juge m’a dit un jour »: Maître, dis à ta cliente de venir diligenter s’il veut gagner ce procès! se rappelle Maître Jean Miema, Défenseur Judiciaire au tribunal de grande instance de Lubumbashi. Sa cliente qui avait ete violée par son voisin avait donné 300 dollars américains au juge et avait remporté le procès. « Si on ne l’avait pas fait on aurait perdu le procès, c’est évident », confie-t-il.
Pour sa part Léon Kuminga procureur général de Lubumbashi condamne ces pratiques illégales et déclare avoir mis en garde les magistrats contre la corruption. Il évoque les articles 45 à 48 de la loi sur le statut des magistrats qui érigent en faute disciplinaire tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur ou à la dignité de ses fonctions, sous entendant aussi le fait d’exiger de l’argent aux parties. Les sanctions pour les magistrats coupables peuvent aller dans ce sens du blâme à la révocation selon la gravité des faits.
En exigeant ou en prenant de l’argent des victimes, ces magistrats se rendent coupable de la corruption et la concussion, deux infractions graves punies de lourdes peines de prison, Précise Me Hubert Tshiswaka de l’IRDH. L’avocat estime que le manque de prise en charge des magistrats ne peut pas justifier ce comportement illégal.
Des victimes qui trainent les pas
Clémentine Milambo membre de la société civile évoque quant à elle, des difficultés qu’éprouvent les victimes des viols à dénoncer leurs bourreaux. Pour elle seules deux femmes sur six acceptent difficilement de témoigner.
«C’est très difficile que les victimes de viols dénoncent. Les victimes et leurs familles préfèrent l’arrangement à l’amiable pour avoir un peu d’argent. C’est seulement quand la famille du bourreau ne réalise pas ce qu’elle leur avait promis qu’elles viennent chez nous ».
Sylvie Nkolomoni avocate au barreau de Lubumbashi précise que la protection d’une victime de viol dans le contexte d’un procès est un impératif juridique. Elle ajoute que la victime a également le droit de consulter un médecin et un psychologue. “Au termes de la loi congolaise, les procureurs et les juges doivent prendre des précautions particulières pour protéger les victimes et les témoins de violences sexuelles”.
Le viol est une grave atteinte à l’intégrité physique, mentale, sexuelle et à l’autonomie de la victime. Les sévices que subissent les victimes constituent en soi des violations des droits humains, et empêchent par ailleurs les victimes de jouir de plusieurs de leurs droits fondamentaux, comme les droits à la santé physique et mentale, à la sécurité de sa personne, à l’égalité au sein de la famille et à l’é gale protection des hommes et des femmes devant la loi.