Kinshasa : les témoignages émouvants des mineures victimes de viol
L’Hôpital Général de Kintambo situé dans la commune portant le même nom à Kinshasa regorge en son sein d’un centre Intégré des Services Multisectoriels ( CISM). Ce centre spécialisé dans la prise en charge des violences basées sur le genre est l’une des trois structures se trouvant dans la capitale de la RDC. Depuis janvier , 90% de victimes de viol prises en charge sont des mineures dont l’âge varie entre 2 et 17 ans. Nous avons rencontré quelques-unes. Leurs histoires décrivent la douleur, la colère et le désespoir des vies brisées par des personnes sans foi ni loi.
Une innocence volée
Irène*(le nom a été changé) est à peine âgée de 11 ans, mais on ne lui donnerait pas son âge, elle est frêle et menue. Il y a quatre mois, elle a vécu l’enfer. Par une soirée, alors que sa mère l’envoie acheter du sucre à une alimentation du coin, sa vie bascule à jamais. Cette soirée-là à 19 heures, elle perdra à jamais son innocence et avec elle, ses rêves d’enfants. Le tenancier de cette alimentation l’enferme et la viole. 4 mois après, Irène a du mal à parler de ce jour-là. Ses yeux embués des larmes, la gorge nouée et c’est par monosyllabe, qu’elle raconte l’innommable : « je suis allé acheter du sucre (silence), et puis le monsieur m’a enfermé (silence). Il m’a pris, a enlevé ma culotte et … ». Irène est incapable de dire le mot viol. Elle n’a pas pu se défendre, elle pleure, tellement la douleur est atroce. Les parents l’amènent au CISM de Kintambo où elle continue à être prise en charge. L’horreur qu’elle décrit vous glace le sang. Impossible de prendre de la distance.
Une confiance abusée
Lily*(le nom a été changé), à 16 ans, son histoire est loin d’être banale. Elle est plutôt tragique. Quand on la regarde, l’on sent qu’elle bouillonne, elle est en colère et en même temps triste. La colère de s’être laissée duper et abusée par un membre de la famille, son beau-père âgé de plus de 40 ans. Elle est fermée comme une huitre et a du mal à s’exprimer. Par brides des mots, tête baissée, une voix chevrotante, elle arrive à peine à articuler et à relater cette tragique histoire. « Je suis venu avec mon beau-père à Kinshasa… maman est resté à Butembo … … Un jour mon beau-père en colère m’a accusé d’être une prostituée ‘ explique-t-elle. « Il m’a dit que si je ne mentais pas je devais le prouver et qu’il devait vérifier pour qu’il soit sûr. Confiante j’ai dit oui et c’est alors qu’il a sauté sur moi
« Elle a eu des graves lésions au niveau de l’appareil génital », explique Maurice Kasongo wa Bondo prestataire sanitaire dans ce centre CISM de Kitambo . Elle continue à suivre des soins. Le plus dur dans l’histoire de Lily, c’est d’avoir appris que son bourreau a été libéré. À ce moment, elle perd tous ses moyens, on dirait qu’elle revit les mêmes atrocités. « Ma prière ce qu’il doit à jamais derrière les barreaux. » Lyly a abandonné l’école et sa vie est brisée à jamais.
Des chiffres hallucinants
L’un des cas qui a marqué Maurice Kasongo est le cas d’un bébé de 7 mois violé par un oncle qui assurait sa garde en 2020. « Lorsqu’on nous l’a amenée, son organe génital était à l’extérieur », raconte-t-il ému. « Cela nous a pris huit mois pour soigner cet enfant. Nous avons essayé plusieurs techniques pour arriver à la soigner et aujourd’hui grâce Dieu, elle a recouvré sa santé ».
Maurice Kasongo explique que, les viols sur mineures à Kinshasa ont pris une escalade impressionnante les trois dernières années. En 2019 le centre a traité 510 cas de viols dont 442 sur mineures soit 86% et la moins âgée avait une année. En 2020, 320 cas sont enregistrés dont 289 mineures soit 90% et la moins âgée avait sept mois. Pour 2021 entre janvier et mai, 147 sur 165 soit 90 % de cas pris en charge sont des mineures dont la plus jeune à deux ans.
Les statistiques du CISM de Kitambo sont un indicateur qui démontre que dans cette mégalopole, le viol sur mineure devient un phénomène de société. Car, il y a deux autres centres Intégrés des Services Multisectoriels à dont les données sont compilées au Ministère du Genre. À la différence de l’Est de la RDC où les auteurs des viols sont des hommes en uniforme, A Kinshasa ce sont plus les voisins, les membres de la famille et dans plusieurs cas les tenanciers des alimentations.