Gécamines saignée à blanc par ses gestionnaires
L’Inspection Générale des Finances(IGF) a rendu public son rapport synthèse de contrôle sur la gestion de la GECAMINES SA. Ce rapport du mois de mai dernier fait ressortir les observations relatives à la gestion des actifs miniers. Mais également, il fait des observations concernant la gestion proprement-dite de cette entreprise publique. Pour ce rapport, la Gécamines a été saignée à blanc par ses gestionnaires.
S’agissant de la gestion des actifs miniers de Gécamines, ce rapport révèle qu’entre 2000 et 2008, la Gécamines a signé 24 contrats de partenariat (Joint-Venture) avec des privés. Ces contrats ont représenté 100 % de ses réserves minières disponibles historiques. A ce jour, la Gécamines a reconstitué l’équivalent de 26% de ces réserves. Entretemps, elle a signé trois nouveaux contrats de Joint-Venture.
Sur la question des modalités de cession des actifs miniers, celles-ci ont eu lieu sous quatre formes. Il s’agit principalement de l’apport des gisements en partenariat, dans le cadre des Joint-ventures, avec des groupes miniers étrangers. Mais il s’agit aussi de l’amodiation (louage, pour une durée déterminée ou indéterminée, d’un droit minier, moyennant une rémunération fixe). On note aussi la cession des parts et droits de la Gécamines dans les partenariats conclus . Elle a aussi conclu un contrat mines contre infrastructures, communément appelé contrat chinois.
Des cessions dans l’irrégularité
L’Inspection Générale des Finances a également procédé à une évaluation du préjudice que la Gécamines et l’Etat congolais ont subi dans ces différents contrats. Elle a relevé les préjudices dans les cessions d’actifs miniers à travers les contrats de partenariat. Il y a aussi les préjudices dans les cessions des droits découlant de ces partenariats ainsi que dans le contrat chinois.
S’agissant des préjudices dans les cessions d’actifs miniers, l’IGF dévoile que ces cessions sont toutes caractérisées par des irrégularités. C’est par exemple, l’ absence d’évaluation indépendante de l’apport en nature effectué par la Gécamines dans le partenariat. De plus, c’est l’ absence d’apport en capitaux propres, de la part des partenaires de la Gécamines. Autre chose c’est l’ absence de profit réalisé (bénéfice) dans tous les partenariats conclus par la Gécamines . L’IGF note en outre , le traitement disparate des partenariats . Elle déplore le manque de traçabilité du paiement des pas de porte dans certains partenariats. Mais encore le défaut de publication de certains contrats de partenariats.
Des partenariats déséquilibrés et injustes
L’IGF a révélé un fait sidérant . Les gisements apportés par la Gécamines n’ont jamais fait l’objet d’une évaluation. Pourtant, ces quotes-parts ont été, par la suite, revues à la baisse. Dans le cas de TFM, par exemple, la Gécamines avait, initialement 45% du capital social de la Joint-Venture. Mais elle s’est retrouvée avec 17,5% avant de remonter à 20%. Et c’est suite à la revisitation des contrats miniers en 2009. En plus, le pouvoir de contrôle de la Gécamines, s’en est trouvé réduit. Cette situation a permis aux privés d’avoir la main mise sur tous les actifs miniers.
Le fait que ces partenaires n’ont pas apporté des capitaux propres pour l’exploitation de ces gisements, est un autre drame que l’IGF soulève. Ces partenaires se sont plutôt endettés auprès des sociétés qui leur sont apparentées. Conséquence , ils avaient des charges financières extrêmement exorbitantes .En plus de ces charges, ces Joint-Ventures ont fait un recours massif à la sous-traitance . Et le comble c’était auprès des filiales des maisons-mères des partenaires. De plus, la production leur est vendue, avec décote.
De ces pratiques, il découle un important transfert indirect des revenus d’exploitation. En définitive, aucun de ces partenariats n’a pu distribuer de dividendes avant l’exercice 2020. Et c’est sans compter le fait que cette évasion fiscale a également fait perdre d’importantes recettes . Les investissements réalisés par ces partenaires ont été comptabilisés sans une évaluation . Et généralement avec un surcoût, par rapport aux études de faisabilité, qui tourne autour des 170% des coûts prévisionnels et jusqu’à 200%, pour les frais financiers. En définitive, ce sont les gisements de la Gécamines qui ont servi à rembourser les crédits souscrits par les partenaires dans les exploitations.
Un manque à gagner des royalties
Au compte du traitement disparate des partenariats, le rapport de l’IGF s’est focalisé sur le droit de la Gécamines à percevoir des royalties. En effet, pour limiter les effets de la captation des revenus d’exploitation par les partenaires privés, il avait été introduit, lors de la revisitation des contrats miniers, le principe du paiement des royalties. Celles-ci sont prélevées sur le produit de la vente. Toutefois, ces royalties n’ont été ni généralisées ni standardisées, dans leur mode de calcul ou leur taux, lequel allait de 1% à 2,5% :
A ce sujet, de 2012 à 2020, les partenaires de la Gécamines ont réalisé un chiffre d’affaires global évalué à 35 milliards de USD alors que la Gécamines n’a reçu que 564 millions de USD comme royalties tirées de ces partenariats, soit 1,6% ;
Curieusement, TFM (TENKE FUNGURUME MINING) qui a hérité des réserves les plus importantes de la Gécamines, n’est pas astreinte au paiement d’une quelconque royaltie ! Le manque à gagner en royalties, évalué au taux de 2,5%, sur le chiffre d’affaires de 14.412.657.464 USD, réalisé de 2012 à 2020, est de 360.316.437 USD.
Alors que les royalties sont calculées sur le chiffre d’affaires brut pour certaines entreprises, pour d’autres, par contre, elles le sont sur le chiffre d’affaires net et le taux de calcul de ces royalties n’est pas non plus uniforme. Le fait générateur de ces royalties étant le même, toutes les concessions ou renonciations accordées aux partenaires, sans contrepartie financière équivalente, constituent des pertes pour la Gécamines et, par conséquent, pour le Trésor public.
Une gestion calamiteuse
Cette gestion a été évaluée sur quatre aspects. C’est notamment en matière d’investissements, en matière de fiscalité, en matière d’avantages dus au personnel . Mais aussi sur le plan de la mauvaise gestion du recouvrement et de l’endettement de l’entreprise
En matière d’investissements, l’IGF a épinglé la mauvaise utilisation des revenus des partenariats et amodiations et tant d’autres choses. L’IGF signale la vente des maisons de la Gécamines et autres biens immobiliers sans aucune évaluation formelle d’une expertise immobilière indépendante. La Gécamines avait fixé unilatéralement des prix, à USD 500,00 pour des maisons d’une pièce, à USD 750,00 pour des maisons de deux pièces, à USD 1.000,00 pour des maisons de trois pièces et à USD 1.500,00 pour des maisons de quatre pièces.
En matière de fiscalité, l’IGF fait remarquer la présomption de détournement des deniers publics. Cela est dû au défaut de retraçage des avances fiscales et pas de porte. A ce sujet, la Gécamines a présenté un dossier concernant les avances sur fiscalité. Ceux-ci totalisent USD 530.621.863,15 et des prêts à l’Etat nets estimés à USD61.000.000 soit un total de USD 591.621.863,15. De ce montant total, seuls USD 178 millions ont été retracés au compte du Trésor public. Et du Receveur des impôts soit USD 413.621.863,15 non retracés. A ce montant, il faut ajouter les pas de porte de SICOMINES. Ceux-ci sont à hauteur USD 175 millions non encore retracés au compte du Trésor jusqu’à ce jour.