Haut Katanga-Assemblée Provinciale : duel entre Tshisekedi et Katumbi

Haut Katanga-Assemblée Provinciale : duel entre Tshisekedi et Katumbi

  L’élection du vice-président de l’Assemblée Provinciale du Haut Katanga, qui devrait se tenir le 26 juin 2022, a été annulée in extremis . Les autorités ont  évoqué des risques graves de perturbation à l’ordre public.3 candidats sont en lice. Deux des challengers  sont de l’Union Sacrée . Ce duel fratricide se fait sous l’ombre de deux alliés qui jouent depuis   longtemps à « je t’aime moi non plus ». Il s’agit de Tshisekedi et Katumbi. Chacun d’eux aimerait bien avoir le contrôle de cette assemblée stratégique. Car, située dans l’un des coffres-forts de la république.

  La vacance à la tête de l’Assemblée Provinciale, a été constatée  le 21 aout 2021, avec la mort de feu  Kyungu Wa Ku Mwanza. Normalement l’élection du nouveau président devrait se tenir dans les 30 jours suivant son décès . Entretemps, l’intérim était assuré par Michel Katebe,le vice-président de cet organe délibérant.

Ce délai écoulé, le pouvoir en place évoquera la nécessité d’attendre au moins 40 jours pour que ce scrutin soit organisé . Ce délai est  en rapport avec une pratique congolaise récente . C’est au bout de 40 jours  que le deuil est définitivement levé pour la famille biologique . Dans un deuxième temps, le pouvoir dira que ce n’était pas la peine de se précipiter, car le perchoir était bien tenu par Michel Katebe . Il fallait donc attendre la session de mars pour régler cette question.

La ruse du pouvoir en place

En apparence, il n’y avait rien d’anormal à ce report. Surtout qu’en attendant, l’intérimaire se comportait très bien avec le marteau de commandement. Sa gestion était tellement appréciée ,que ses collègues lui ont donné le surnom de « Muzungu »,ce qui veut dire « homme blanc ». Mais en grattant un tout petit peu, les observateurs avisés, ont vu que le pouvoir en place, ne voulait pas de Juvénal Kitungwa comme président de cette assemblée.

 Suivant la logique du partage du pouvoir, le poste de président, revenait à l’UNAFEC . C’est  Juvenal Kitungwa qui devrait en hérité après la mort de son mentor feu Kyungu wa ku Mwanza. Seulement voilà, si dernier, était considéré comme un allié par le pouvoir, il n’en est rien pour son poulain . Juvénal Kitungwa est perçu par ce même pouvoir comme trop proche de Moise Katumbi. Il n’est donc pas question de le laisser passé C’est ainsi qu’un arrangement avait été trouver.Au terme de celui-ci,  Michel Katebe occuperait la présidence  et L’UNAFEC  la vice-présidence. Le marché est vite conclu. En acceptant ce marché ,le parti de Kyungu wa ku Mwanza, ignorait qu’il était en train de se mordre les doigts.

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Une recette vielle comme la RDC

 Michel Katebe est du parti Ensemble de Moise Katumbi . Juvénal est jugé  trop proche de ce dernier . Ce qui équivaudrait à dire que l’ancien gouverneur du Katanga, contrôlerait l’un des Assemblées Provinciales les plus importantes du pays . Inacceptable pour le pouvoir. Dans la perspective des élections de 2023, c’était comme  faire le lit de Katumbi.

Le pouvoir ne s’est pas donné la peine de trop remuer les méninges . Il  a, lui aussi, fait  recours à une vielle recette qui a fait ses preuves en RDC depuis l’aube de l’indépendance . Chaque fois qu’un politicien devenait indésirable, on le remplace par un des membres de son parti ou de son obédience. On le transforme en son ennemi le plus acharné. Ainsi le président Kasa Vubu fera remplacer Moise Tshombe par son vieil ami Évariste Kimba . Le président Mobutu va peaufiner cette méthode en inventant le dédoublement des partis politiques. C’est ainsi que Nguz sera premier ministre, au nom d’une plateforme qui faisait doublon avec celui de ses anciens compagnons de l’opposition. Le pouvoir de Joseph Kabila va  aussi servir amplement de cet art machiavélique. Samy Badimbanga et Bruno Tshibala, des proches d’Etienne Tshisekedi  l’opposant historique, qui prendront la primature au détriment de l’UDPS.

Dans le cas de l’élection du vice-président, C’est la candidature de Thierry Maghoma qui est venu perturber les calculs de l’UNAFEC. Ce Parti  politique était trop sûre d’occuper ce poste .  Toutefois, Maghoma  est du  courant du Futur , le parti politique de Nazem Nazembe. Mais  pour ce scrutin ,il se présente en indépendant . Il est également de la tribu hemba, tout comme Juvénal . Ce qui est loin d’être anodin.

Respect des conventions n’est pas congolais

Normalement, il est très difficile à un indépendant de battre un membre d’un parti et surtout d’un regroupement politique. Théoriquement  Thierry Maghoma ne peut pas l’emporter face à Juvénal Kitungwa ,membre de l’UNAFEC ,qui est des piliers de l’Union Sacrée . C’est mal connaitre le jeu politique congolais.

Tandis qu’officiellement ,l’UNAFEC est proclamé allié sûr,en coulisse, les premiers  couteaux du pouvoir, s’activaient pour faire basculer l’élection en faveur de la personne de leur choix . Certains diront qu’il y a des dessous de table. Toujours est-il que  deux jours avant le vote,il se chuchotait dans le couloir de l’hémicycle ,qu’un mot d’ordre avait  été donné . Les députés provinciaux devraient voter  pour Thierry Maghoma.

Maitres des salons contre les maitres de la rue 

Si le pouvoir était si sûr de sa victoire, alors pourquoi l’élection a-t-elle était reportée sine die ? La raison est simple.L’UNAFEC aile Lugange/Kitungwa est maitre de la rue à Lubumbashi . « Les troupes » des jeunes de ce parti politique ,ont la capacité de bloquer plusieurs communes et quartiers de Lubumbashi ,notamment la Kenya qui est leur bastion principal . Quand les jeunes de l’UNAFEC organisés en « brigades et bataillons »,sont de sortie, c’est la panique totale dans la ville . « Leurs unités » ont pour nom « enfants perdus ,Ninja,Cobra,Division Pononayi ,brigade des martyrs… Ils sont dirigés par des «  Généraux » , ces derniers sont choisis en  fonction de leurs expériences  dans les affrontements avec les forces de l’ordre ou avec des membres d’autres partis politiques.

Un échec du candidat de l’UNAFEC ,entrainerait ipso facto, une réponse de ce parti ,en termes de manifestations de rue. Ce que le pouvoir voudrait éviter à tout prix . Les prédécesseurs de Félix Tshiekedi ,auraient certainement choisi de passer en force ,usant  de la matraque ,du gaz lacrymogènes, voire aux armes létales . C’est ainsi qu’ils étouffaient dans l’œuf, toute velléité de contestation .  

Le pouvoir actuel évite tacher son  blouson avec du sang, ayant fait du respect des droits de l’homme, l’une de ses marques de fabrique. Ce report de l’élection, d’empêcher toute confrontation violente dans la ville de Lubumbashi. Si avant la rentrée parlementaire du mois de septembre, le pouvoir n’a toujours pas de parade, il maintiendra un statu quo  . À l’instar de ce qui se passe au gouvernorat de la province du Lualaba. 

Pour l’instant, il y a lieu de retenir que c’est le candidat du pouvoir qui est en ballotage favorable. Celui de l’UNAFEC est  passé du statut de favori à celui d’outsider.

Bis repetita ?

Il y  en a qui disent que cela risque d’être un match à 3 points. Et celui-ci sera gagné par le camp présidentiel, qui officiellement n’est pas partie prenante . Cela peut être un nouveau coup dur pour le camp Katumbi. Il serait utile de noter qu’il n’avait pas réussi à avoir un seul sénateur, alors que dans l’Assemblée Provinciale du Haut Katanga, il a au moins 4 députés élus sur des listes des partis qui lui sont associés . Ainsi, il est  évident que ces députés n’avaient pas suivi le mot d’ordre de leur chef . Il n’est donc pas certain qu’ils voteront pour Juvénal Kitungwa ,même si leur autorité morale le leur demande.

Dans ces conditions ,l’UNAFEC risque bien de  dire , « adieu veaux et vaches. »