KCC :entre 90 et 200 millions USD de manque à gagner de 2019 à 2020 sur le paiement de la redevance minière
Le Code minier de la République démocratique du Congo a fixé depuis 2018 le taux de la redevance minière. Il est de 3, 5 % pour les métaux et 10 % sur les minerais stratégiques. Cette redevance se prélève sur le nombre total des exportations. Mais parfois, on note des incohérences entre les importations et la faible redevance minière payée par certaines entreprises, dont Kamoto Copper Compagny (KCC). Cette dernière est une entreprise opérant dans la province du Lualaba au sud de la RDC.
KCC est une Jointe Venture entre la Générale des Carrières et des Mines (GECAMINES), une entreprise étatique qui détient 25 % des actions, et Glencore, qui en possède 75 % des parts. Elle détient des permis d’exploitation situés dans la province du Lualaba. Dans cette partie de la RDC, elle exploite essentiellement du cuivre et du Cobalt.
Entre 2019 et 2020, l’analyse des données sur les exportations contenues dans les rapports de Glencore 2020 et les données de l’ITIE, on relève des écarts significatifs entre les exportations des minerais et la faible redevance payée au cours de ces deux années. Par exemple, en 2019, KCC a payé une redevance minière qui s’élève à 33 700 000 USD pour une exportation de 17 100 tonnes de cobalt . Et en même temps, elle a produit 234 500 tonnes de cuivre. En 2020, cette entreprise a payé 35 800 000 USD pour une exportation de 23 900 de cobalt et 270 700 tonnes de cuivre
Des écarts significatifs
Pendant ce temps, Glencore a renseigné dans son rapport de production de 2019 que le prix du cuivre était de 6 005 $ la tonne. Ce prix, multiplié par 234 500 tonnes de cuivre, donne une valeur exportée 1 408 172 500 dollars américain. Sur le cobalt, ce rapport ne renseigne le prix de 16 $ le livre. Sachant qu’une tonne équivaut à 2204, 623 livres. Ainsi en multipliant 2204, 623 livres a à 16 $ , l’on obtient le prix de la tonne du cobalt. En 2019, le prix du cobalt était donc de 35 273$. Ce montant multiplié par 17 100 tonnes de cobalt aurait généré 603 168 300 USD.
En 2020, le prix du cuivre renseigné par Glencore dans son rapport de 2020 est de 6 186 USD la tonne. Ainsi, si l’on multiplie 270 700 tonnes de cuivre par 6186 $, on obtient 1 670 220 000 $ comme valeur exportée. S’agissant du cobalt, le rapport de Glencore renseigne le prix de 21 $ le livre. Sachant qu’une tonne équivaut à 2204, 623 et le prix de 21 $ le livre ,le prix du cobalt en 2020 était de 46 297 $ ( 2204, 623X 16 $) . Ainsi, en appliquant ce prix sur le 23 900 tonnes de production, la valeur exportait serait de 1 106 498 300 $.
Que dit le Code minier ?
Conformément à l’article 240 du Code minier, la perception de la redevance minière se fait sur les exportations : « La redevance minière est calculée et due au moment de la sortie du produit marchand du site de l’extraction ou des installations de traitement pour expédition ». Selon l’article 241 du Code minier, « les taux de la redevance minière sont de : (..) de. 3,5 % pour les métaux précieux, (..) g. 10 % pour les substances stratégiques ».
Ainsi, en appliquant le taux conformément à la législation congolaise, en 2019, KCC aurait dû payer une redevance totale de 49 286 037,5 $ sur le cuivre (soit le 3, 5 % de 1 408 172 500 $). Pour le Cobalt, 60 316 830 $ (soit le 10 % de 603 168 300 $). La sommation de ces deux montants donne 109 602 867,5 $ . En y soustrayant la redevance payée par KCC ( 33 700 000 $), on obtient un gap de de 75 902 867 $ pour l’année 2019.
En 2020, elle aurait dû payer sur le cuivre une redevance de 58 457 700,5 $ (soit le 3,5 de 1 670 220 000 $ et 110 649 830 $ (soit le 10 % de 1 106 498 300 $). Ceci signifie que KCC aurait dû payer 169 107 530 $. Si l’on déduit la redevance payée de 35 842 666, 01 USD de ce chiffre, le manque à gagner est à 133 264 863,99 $. En somme, en se basant sur ces chiffres sur les deux années 2019 et 2020, le total des manques à gagner serait de 209 210 397,5 $.
Statistiques de la Division des Mines
D’autres sources renseignent différents chiffres. Selon les estimations de la Division des Mines du Lualaba en 2020, KCC devait payer 135 737 453, 05 de redevance minière. En y déduisant le montant payé par KCC , ici également il y a un gap de 99 894 787 ,04 $ juste pour l’année 2020.
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TFM a payé plus alors qu’elle a exporté moins
Qu’est-ce qui peut expliquer ces divergences ? Emmanuel Umpula, Expert en questions minières, pense que c’est dû au fait que les minerais n’ont pas la même teneur : « La teneur des minerais peut faire baisser le prix ». Mais selon le rapport de l’ITIE , en 2019, Tenke Fungurume Mining (TFM), une entreprise opérant dans la même province, a exporté moins des minerais, mais a payé plus des redevances.
En effet, TFM (cette analyse ne porte pas sur la transparence ou non de TFM) a exporté 177 956,37 tonnes de cuivre et 16 098,67 tonnes de cobalt pour une redevance totale de 92 800 000 USD en 2019. Entre les exportations de TFM et celles de KCC, il se dégage une différence de 56 543, 64 tonnes de cuivre et 1001, 33 tonnes de cobalt. Et, en même temps, qu’elle a exporté moins de 56 543, 64 tonnes des minerais que KCC, TFM a payé 55 100 000 USD de redevance de plus que KCC. De plus , le cuivre de KCC et celui de TFM sont enrichis au même pourcentage, à savoir à 99, 9 %. Et, pourtant, les écarts dans les paiements pour ces deux entreprises sont très importants.
L’État congolais perd par inaction
Cette situation est étonnante. Les entreprises paient moins de redevance et l’État ne s’en soucie guère. Richards Mukena, membre de l’ONG African Ressources Watch, en donne les raisons : « Nous avons un système déclaratif, et l’État se contente de ce que l’entreprise a payé au lieu de faire le suivi ». Freddy KASONGO secrétaire exécutif de l’ONG l’Observatoire d’Etudes et d’Appui à la Responsabilité Sociétale et Environnementale (OEARSE) est de cet avis. Pour lui, il est difficile pour l’administration minière de vérifier de manière indépendante la production et les ventes déclarées par les entreprises. Il suggère que l’État congolais adopte des nouvelles méthodes. « Il sera donc important d’examiner la possibilité d’utiliser la technologie de télésurveillance. Celle-ci pourra permettre aux autorités fiscales d’accroître le recouvrement des recettes provenant du secteur« , dit-il.
Cette faiblesse dans le paiement des redevances minières impacte sur le développement de la province minière de Lualaba. Des fonds qui pouvaient servir à construire les routes comme celle reliant Kolwezi à Sandoa longue de 424 KM. Car voyager sur cette route est un calvaire. Le député Donnât Tshimboj en a fait l’expérience au mois de mars 2023. « J’étais obligé de prendre une motocyclette pour aller de Kolwezi à Sandoa », raconte-t-il. Pourtant, si KCC ou d’autres entreprises minières payaient correctement ses redevances minières, cet argent construirait encore plus de routes que celle-ci.
Ce manque à gagner aurait pu aussi être investi dans le développement local. Fanfan Mwema est ingénieur en construction à Lubumbashi. Il explique par exemple que la construction d’une école de six classes de bonne qualité coûte 200 000 $ et celle d’un centre de santé coûte 80 000 à 100 000 $. Ce manque à gagner représente 1000 écoles et 2000 centres de santé.
KCC n’a pas réagi
Dans un souci d’équilibre, nous avons tenté de donner la parole à KCC. Toutefois, toutes nos tentatives pour avoir la version de KCC se sont révélées vaines. Nous avons écrit à KCC le 22 juin 2023. Un accusé de réception a été transmis au bureau média de Glencore le 28 juillet 2023. Le 11 juillet 2023, nous avons encore relancé KCC avec un accusé de réception retransmis à Glencore le même jour. Le 21 juillet, nous avons encore écrit par courriel au Département de communication de KCC. La représentante de Glencore en RDC, Marie-Chantal Kaninda nous a assuré que l’entreprise allait réagir. Malgré tout, et jusqu’à la date de publication, KCC n’a pas répondu à nos demandes.
Cet article a été rédigé par la Guardia Magazine dans le cadre de “La Richesse des Nations”, un programme panafricain de développement des compétences médias dirigé par la Fondation Thomson Reuters en partenariat avec TrustAfrica. Plus d’informations sur La Richesse des Nations. La Fondation Thomson Reuters n’est pas responsable des contenus publiés, ceux-ci relevant exclusivement de la responsabilité des éditeurs.