RDC-mines: la prise en charge médicale des travailleurs inquiète
En RDC le Code du travail oblige les employeurs à assurer la prise en charge sanitaire de leurs employés sous contrat à durée indéterminée. Les frais doivent également couvrir les soins de santé de la famille proche de l’employé. Ces structures prennent en charge aussi le conjoint ou la conjointe ainsi que les enfants . Dans le secteur minier, la plupart des entreprises offrent des soins à leurs travailleurs soit directement, soit par une société intermédiaire. Mais la qualité des services suscite des inquiétudes chez certains employés.
Dans la ville de Kolwezi, par exemple, certaines grandes entreprises comme celles du groupe Glencore ont leur propre structure sanitaire. C’est le centre de santé WATU WETU qui signifie en Français, Nos gens , mieux, Nos employés. En effet, il reçoit des malades qui sont des travailleurs de ces sociétés ainsi que les membres des familles de ces derniers. En dehors de Kolwezi comme à Lubumbashi, les filiales de Glencore ont des partenariats avec quelques structures médicales comme l’hôpital Afia Don Bosco de Lubumbashi.
Mais d’autres sociétés minières ainsi que certaines entreprises de sous-traitance signent des contrats avec des centres de santé. À ceux-ci est confiée la prise en charge médicale du personnel.
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Des soins de santé limités
Néanmoins, l’accès aux soins de santé reste limité, témoigne Madame Jacqueline (son nom a été modifié). Son époux est employé au sein de l’entreprise COMMUS et l’entreprise est abonnée à la polyclinique Menacé de Kolwezi.
« J’étais très malade, j’ai fait l’anémie jusqu’à atteindre 3 grammes. À l’hôpital, on a dit à mon mari qu’il n’y avait pas de sang. Et les infirmiers m’observaient comme s’ils attendaient ma mort. Mon mari est allé chercher du sang ailleurs. Il a déboursé de l’argent pour que j’aie du sang ».
Cette dame déplore aussi la qualité des services dans ce centre médical. « En plus, on ne nous traite pas de la même manière que les malades du secteur privé. On nous donne des médicaments qui ne sont pas très efficaces. Si tu veux guérir, tu demandes au médecin quel autre produit est nécessaire pour que tu te sentes mieux. Il te fait une ordonnance et tu vas acheter ».
Si les soins sont limités, cela crée de la méfiance dans le chef des employés ainsi que de leurs dépendants. « Lorsque nos enfants vont à l’hôpital où nous sommes abonnés pour des soins, les infirmiers leur donnent des comprimés ou des sirops juste pour les soulager. Alors, quand j’ai un peu d’argent, souvent, je les amène dans une autre structure médicale« , témoigne un employé dans une société de sous-traitance chez Mutanda mining.
Type d’abonnement médical
Cette attitude des structures médicales s’explique, témoigne un travailleur embauché chez KCC.
« Généralement, les sociétés versent aux centres médicaux 50 USD par mois pour chaque travailleur et sa famille. Ce fond constitue un abonnement qui permet aux centres de santé de couvrir les frais des soins. Mais vu la taille des familles des employés et le cout des soins, ce fond est généralement insuffisant, explique un médecin qui a requis l’anonymat.
Pour sa part , Docteur Jean de la Paix ancien médecin Chef de Zone de santé et acteur de la Société Civile à Kolwezi pense que le paiement tardif en est la cause. « Le paiement ne respecte pas le délai. Parce que très souvent, dans les hôpitaux, certes, il y a des abonnements, mais il peut se passer 2-3 mois sans que la facture ne soit réglée », explique t-il. De plus, il y a une mauvaise redistribution de ces ressources. « Cet argent, quand ça rentre dans la caisse de l’hôpital, ça ne sert pas tout le personnel. Souvent, ça sert une partie, soit la direction. C’est ce qui justifie le désintéressement du personnel pour les soins des abonnés« , dit-il encore.
Un autre employé de KCC indique que l’abonnement pour une prise en charge médicale constitue un business. » Le financier de l’entreprise fait une arrangement avec les gestionnaires du centre de santé afin que les fonds versés pour le prise en charge médicale soit rationalisé. Ainsi, le fond restant constitue une rétro-commission« .
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RAID appelle à l’amélioration
Il faut dire qu’en plus des soins médicaux qui préoccupent , le secteur minier reste rongé par beaucoup des maux. Le dernier rapport de RAID évoque le salaire bas ainsi que les conditions difficile de travail. Déjà dans son rapport publié en 2021, cette organisation dénonçait des soins inappropriés offerts aux employés dans les mines
« Les sous-traitants versent aux centres médicaux des primes très faibles, parfois à peine 10 USD par travailleur et par mois. Ce qui est trop peu pour permettre aux centres médicaux de dispenser des soins appropriés. À titre d’exemple, un test sanguin du paludisme peut coûter à lui seul jusqu’à 10USD. Certains sous-traitants ignorent totalement leurs obligations légales . De ce fait, ils ne participent pas aux soins de santé de leurs employés, lit-on dans ce rapport.
Ainsi, cette organisation de défense des droits humains a de nouveau appelé les sociétés minières à plus d’engagement en faveur des travailleurs des mines. Anneke Van Woudenberg, la directrice exécutive de RAID a fait cette déclaration au début du mois.
« Les allégations de l’industrie minière qui affirme alimenter les marchés mondiaux en minerais écologiques et durables ne correspondent pas du tout à la terrible réalité à laquelle sont confrontés des milliers de travailleurs congolais exploités. Les sociétés minières qui participent à la DRC Mining Week devraient s’engager publiquement à verser un salaire de subsistance à tous leurs travailleurs. Qu’ils soient employés directement ou indirectement par l’intermédiaire de sous-traitants. »
En outre, dit-elle, « les constructeurs de véhicules électriques et les autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement du cobalt et du cuivre doivent apporter leur contribution. Ils doivent signaler que le versement d’un salaire de subsistance aux travailleurs est un aspect non négociable. »