Kolwezi: des enfants entre les mines de cobalt et l’école

Kolwezi: des enfants entre les mines de cobalt et l’école

Des enfants sont présents dans les sites miniers artisanaux à Kolwezi dans la province du Lualaba. Ces enfants sont utilisés dans la chaine d’approvisionnement du cobalt. Leur travail consiste au  ramassage, au nettoyage et au transport des minerais. C’est le cas de Mika et Héritier, deux jeunes enfants que nous avons rencontrés à Kasulo; un quartier ou est ouvert une carrière de cobalt et ou la population vit difficilement. Quelques-uns des habitants ont creusé des puits dans les parcelles, d’autres, non, et ils sont menacés de déguerpissement.

Mika et Héritier, sont deux enfants d’environs douze ans. Ils sont des habitués de cette carrière. Ils ramassent des résidus et d’autres déchets du cobalt pour les vendre auprès des négociants congolais. « Je m’appelle Héritier Ilunga. Je vis ici au quartier Kasulo avec mes parents. Je viens régulièrement travailler sur les mines de cobalt. Je n’accède  pas au puit d’exploitation du cobalt, moi je viens ici, je ramasse les résidus et ce que la terre  que les creuseurs considèrent comme des déchets du cobalt. Après, nous mettons cela dans des sacs et nous allons vendre auprès des négociants ».

Héritier explique que le rapport avec les creuseurs ne sont pas toujours bons.  Parfois les creuseurs les chassent ; dans ce cas il faudra leur donner 500 Francs pour qu’on les laisse ramasser les minerais.

Combien gagne-t-il par jour

Héritier vient le matin chercher les résidus des minerais. Il travaille des 8 heures du matin pour gagner 4000 voire 5000 Francs congolais l’équivalent de 2.5 Dollars Américains. Il affirme que parfois il gagne moins 2000Francs congolais soit un dollar américains. « Nous débutons le travail vers 8 h00 et de fois jusqu’ a 10 heures. Nous avons un vieille  boite des bombons comme  l’unité de mesure. (Environ 1 Kg) Cette mesure coute   milles francs. Certains jours, nous  pouvons gagner entre 4 et 5 milles francs. Parfois, on ne gagne que 2 milles francs ».

Issu d’une famille pauvre, Héritier ne va pas à l’école par manque d’argent. Il a un frère et vit chez sa tante. Son père travaille dans cette même carrière de cobalt et sa mère vend des légumes au marché. «Cette année, mon père n’a pas pu m’inscrire à l’école faute d’argent. Mais l’année passée j’étudiais à l’école primaire BIKIRA en 3e année primaire ».

Il travaille par intermittence, soit une semaine et se repose  la semaine d’après. « L’argent que je gagne, je ramène à la maison, on peut acheter pour moi-même un habit  et je suis satisfait ».

Héritier rêve devenir un jour médecin ou un instituteur. Cependant, il affirme n’avoir jamais des associations qui lui proposent de quitter la carrière pour aller à l’école.

Mika ou le symbole de l’ignorance

Mika est c’est autre enfant qui travaille dans cette carrière de cobalt ouverte au quartier Kasulo. Âgée de 12 ans. Il dit avoir fréquenté l’école jusqu’en deuxième année primaire.

Il quitte la maison entre 7heures et 8heures du matin pour rencontrer  ses amis. Ensemble, ils parcourent les avenues, parcelles et puits ou on exploite le cobalt et y ramasse les pierres.

A la question de savoir à quoi sert le cobalt ? Mika affiche une ignorance totale de ce à quoi sert ce métal qui pourtant constitue un gagne-pain pour lui et toute sa famille parce que trois de ses frères travaillent dans la même carrière et son père travaille à la carrière de Mutoshi.

« Moi je sais qu’on utilise le cobalt pour fabriquer des casseroles, des tôles, et d’autres objets. Je sais que les négociants  qui sont nos acheteurs, à leur tour, revendent le cobalt dans les comptoirs situés au quartier MUSOMPO ».

Mika affirme n’avoir jamais tombé malade depuis qu’il fréquente cette carrière. Il ajoute même qu’il n’a jamais vu un creuseur blessé dans cette carrière, même pas  un éboulement et des gens  qui y succombent.

Voilà qui justifie même son ignorance du danger que représente le travail des enfants dans une carrière minière. «Nous nous venons ici, on n’a peur de rien à part que nous faisons attention aux puits car ils sont profonds. Nous évitons  pour ne pas perdre la vie ».

Parfois, les creuseurs leur font des propositions.  « Les creuseurs disent venez, nous avons des déchets dans la galerie. Nous leur donnons  500 Francs  en contrepartie, ils remontent pour nous la quantité de terre de déchets de cobalt.

C’est vers 15 heures, qu’il va vendre la  matière qu’il aura récolté. « Au cas où je gagne 5 milles francs, je garde 4 milles Francs que je remets en famille,  je peux acheter des jouets de 500 Franc et des cacahuètes ou, un sucré des biscuits de 500 Franc ».

Comme Héritier, Mika rêve devenir un jour  conducteur d’engins lourds, des chargeuses.

Malgré l’interdiction des parents

Charlotte habite au quartier KASULO, sur l’avenue Kakanda. Elle est la tante de Mika, pour elle, les enfants vont dans la carrière malgré l’interdiction des parents. « Après avoir réuni une quantité du minerai de cobalt, ils vont vendre chez des négociants, ensuite ils utilisent cet argent pour acheter seulement des cacahuètes…. C’est tout ce qu’ils font avec l’argent qu’ils gagnent ».

Des propos qui ne corroborent pas avec ceux de Mika son neveu. « Mes parents savent que je viens travailler ici dans la carrière. Le soir quand je retourne à la maison, ils me demandent ou est l’argent que tu as gagné, donnes, on va acheter pour toi les habits. Et je donne ce que j’ai gagné ».

Elle affirme cependant qu’à Kasulo la population vit difficilement. « Ici  on vit difficilement. C’est un quartier pauvre. Pour  vivre, certains habitants sont obligés d’aller exploiter  le cobalt dans cette carrière. Parfois ils ne gagnent rien, en ce moment, la famille  n’aura pas de quoi manger.  D’autres vivent du petit commerce ».

Elle dit également craindre pour les enfants d’aller ramasser les minerais. « Les puits sont ouvert, un enfant peut tomber  dans ce troue et on ne saura pas. On peut commencer à la recherche, parfois en vain. Il arrive qu’on ne retrouve le corps après qu’il soit décomposé ».

En 2016, un rapport conjoint d’Amnesty International et de l’ONG Afriwatch dénonçait le travail des enfants dans les mines de cobalt congolaises, avec cette question lancinante « la transition énergétique se fera-t-elle au prix des pires formes d’exploitation? » Le cobalt est en effet utilisé dans les énergies renouvelables et surtout dans les batteries qui équipent les véhicules électriques. Dans les années à venir, ce marché devrait connaître une croissance exponentielle.

La moitié des réserves mondiales se trouve en RD-Congo, plus précisément dans la province du Lualaba.

Si les mines industrielles contrôlées par de grands groupes produisent la très grosse majorité des volumes, Amnesty International estime qu’une part évaluée entre 10 % et 20 % du cobalt est extraite de manière artisanale, dans de très mauvaises conditions de sécurité. C’est dans ce secteur informel, échappant à toute forme de régulation, que se niche le travail de ces enfants.  Ils ramassent, nettoient et transportent les minerais, ce qui les expose à des poussières dangereuses pour la santé, et portent des charges lourdes.