Lubumbashi : la police de protection des femmes et des enfants pointée dans la corruption
A Lubumbashi, des habitants affirment avoir été arrêtés par la police de protection des femmes et des enfants pour atteinte aux mœurs. Gardés en détention dans ses locaux, ils disent avoir étés libérés après avoir déboursé de l’argent sans quittance. D’après ces victimes, des policiers de cette sous-section de la police se font corrompre en prétextant l’atteinte aux mœurs.
« J’ai été arrêté pour l’atteinte à la pudeur alors que j’étais dans mon véhicule avec ma petite amie »
René*,40 ans, a été arrêté par la brigade fin Juillet alors qu’il se trouvait dans un véhicule avec sa petite amie de 25 ans et son chauffeur.
« Ce soir-là, un policier s’est approché du véhicule et a commencé à me sermonner disant qu’à cette heure-là il n’était pas normal d’être avec une si jeune femme dans un véhicule. Je lui ai rétorqué qu’aucune loi ne m’empêchait de faire cela. Le policier nous a alors signifié que nous étions arrêtés, mon amie et moi, pour atteinte à la pudeur sur la voie publique. Nous avons passé une nuit en cellule. Les policiers ont confisqué nos téléphones, ils ont refusé qu’on appelle nos proches ou un avocat. Je ne pouvais pas me permettre de rester dans cette situation par rapport à mon travail, mais aussi par rapport à ma famille qui n’était pas au courant de cette relation. Ces mêmes policiers m’ont fait comprendre que pour 120$ ils nous laisseraient tous sortir. J’ai cédé. Quand j’y repense, je me sens révolté, car j’ai été naïf, mais aussi impuissant. C’est honteux que cette brigade, censée lutter contre les violences sexuelles, puisse en arriver à de telles pratiques de corruption », s’indigne René*.
Le profil qu’ils recherchent, c’est les hommes mariés
La brigade ne s’arrête pas aux individus. Des gérants d’hôtels de Lubumbashi affirment régulièrement recevoir la visite de cette brigade. Martin* est un gérant d’hôtel à la périphérie de Lubumbashi.
« Le premier week-end de Juillet, des policiers de la brigade m’ont présenté un document prétendument signé des autorités Lushoises demandant à vérifier les chambres d’hôtels. Ils m’ont précisé : « On vient voir si tu loges des mineurs dans les chambres ». Ils ont menacé de m’embarquer si je m’opposais. Je les ai laissé faire, ce jour-là, ils ont trouvé un homme avec une fille de 20 ans mais ils lui ont exigé de l’argent et le monsieur avait donné 50$. Le profil qu’ils recherchent, c’est des hommes mariés accompagnés d’autres femmes que leurs épouses. Ils les arrêtent et leur indiquent que s’ils veulent que leur épouse ne soit pas au courant, il vaut mieux qu’ils donnent de l’argent sur place. Et pour éviter la honte la plupart d’hommes cèdent ».
Interrogé sur ces pratiques de corruption de la brigade de protection de la femme et des enfants, le général Louis Second Karawa, inspecteur général de la police du Haut-Katanga, affirme ne pas avoir eu vent d’incidents particuliers de cette brigade. Il rappelle que cette brigade, dans son objectif de protection de la femme, doit aussi être une garante de la protection des bonnes mœurs sans toutefois verser dans la corruption, et sans outrepasser sa fonction de police. « Si des personnes se disent victimes d’actes abusifs de corruption, nous les invitons à porter plainte » a-t-il ajouté.
Porter plainte, un choix que n’ont pas fait René* et Martin*, expliquant tous les deux ne pas faire confiance à la justice suite à la corruption qui selon eux gangrène ce secteur.
Julie Yengo, avocate au barreau de Lubumbashi spécialisée dans les droits des femmes, est également au courant des pratiques abusives de corruption de cette brigade.
« Il y a un sérieux problème de corruption au sein de cette brigade. Je ne suis pas pour la suppression de cette brigade, car elle a une raison d’être en RD Congo. Mais avec ces affaires, on perd de vue son objectif initial, à savoir, traquer les responsables d’agressions sexuelles sur les femmes pour les porter devant les tribunaux ».
Pour rappel, la police de protection des femmes et des enfants a vu le jour en avril 2010 dans plusieurs villes de la République démocratique du Congo. Inquiètes de la multiplication des agressions sexuelles envers les femmes par des milices au Nord-Kivu et dans l’ex province du Katanga notamment, plusieurs ONG ont prôné la nécessité de monter une section spéciale au sein de la police pour les protéger contre ce type de violences.