Évaluation de l’Accord-cadre à Kinshasa : peut-on espérer des avancées dans la pacification de l’Est ?
La RDC a abrité ce jeudi, 24 février 2022, les travaux du dixième sommet régional d’évaluation de la mise en œuvre des engagements souscrits aux termes de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région signé en 2013 à Addis-Abeba. Attendu depuis trois ans, ce sommet intervient dans un contexte régional marqué par l’intervention des armées ougandaise et burundaise en RDC et les menaces de celle rwandaise. Cet événement qui a permis au président Tshisekedi de succéder à son homologue ougandais à la tête du mécanisme régional de suivi dudit accord, peut-il réellement contribuer à améliorer la situation sécuritaire dans l’est de la RDC ?
Au lendemain de l’occupation de la ville de Goma par le M23, mouvement rebelle soutenu par le Rwanda, en 2012, les pays membres de la Conférence internationale pour la région des grands lacs (CIRGL) s’étaient réunis sous l’égide de l’ONU à Addis-Abeba afin de mettre un terme aux cycles de violence récurrents en RDC. L’accord-cadre signé entre ces États avait suscité de l’espoir pour la stabilité dans l’est du pays et la région des Grands Lacs. Mais qu’en est-il à présent près d’une décennie après la signature de cet accord ?
En 2020, le Mécanisme national de suivi de cet accord estimait dans son programme de pacification et de stabilisation de l’est de la RDC et de la région que « sept ans après la signature dudit Accord-cadre, le résultat est toujours mitigé. L’insécurité persiste dans l’est de la RDC ». Deux ans après, la situation n’a pas suffisamment évolué. Pour autant, le président Félix Tshisekedi n’a jamais cessé de croire aux relations de bon voisinage. Le 25 septembre 2019 lors de la réunion de Haut-niveau sur cet accord à New York, il avait rappelé que le Conseil de sécurité de l’ONU considérait ledit accord comme
un instrument approprié pour la stabilité régionale.
Fort de cette conviction, il a réactivé le mécanisme national de suivi. Au niveau régional, dès 2019 le président Tshisekedi a visité 8 des 9 pays voisins de la RDC. Le gouvernement Sama Lukonde s’est, d’ailleurs dans la suite du chef de l’Etat, engagé dans son programme d’actions à « évaluer
constamment le niveau d’exécution de cet accord-cadre ». Mais cette ouverture n’a pas réussi à redynamiser le mécanisme régional de suivi à cause de l’indisponibilité des autres États et au regard de la divergence de leurs agendas et intérêts. Si avec ce sommet, le président Tshisekedi vient de gagner le pari de la tenue de cette évaluation régionale de cet accord, son attitude volontariste demeure, cependant, confrontée aux rivalités persistantes entre le Rwanda et l’Ouganda, deux acteurs clés pour
la pacification de l’est de la RDC en particulier et la région des Grands Lacs en général.
Autant ces rivalités ont mis en veilleuse la Communauté économique des pays des grands
lacs (CEPGL), autant elles rappellent que le manque d’harmonie entre les États de cette
région est un frein à la pacification souhaitée. L’on peut bien évaluer l’accord-cadre mais l’implication réelle des acteurs majeurs est capitale. Peu importe que le sommet ait finalement eu lieu, l’on notera l’absence très remarquable du président rwandais Paul Kagame.
Probablement mécontent du feu vert accordé à l’armée ougandaise par Kinshasa pour intervenir sur le sol congolais dans la traque des ADF dans l’Est, il ne s’est pas empêché récemment d’évoquer des menaces à peine voilées d’intervenir à son tour en RDC sans autorisation des instances officielles. Avec ces frustrations et boycott “poli”, l’on se demande bien comment les résolutions contraignantes ou pas de ces assises peuvent être appliquées par les autres parties qui affichent clairement leur désintéressement. Il est donc important que l’État congolais s’avise que la stabilisation de l’est relève
principalement de sa responsabilité