Colonialisme vert : Conserver la nature selon les règles de qui ?

Colonialisme vert : Conserver la nature selon les règles de qui ?

A Lubumbashi, depuis plus d’une année, deux acteurs culturels  élèvent leur voix pour  évoquer la question du  colonialisme vert  en RDC. Joseph Kasau wa Mambwe et Stephane Kabila  mènent des recherches  sur cette forme de colonisation qui se perpétue malgré que le Congo soit indépendant depuis 62 ans. Qui fixe les règles de conservation de la nature en RDC et en Afrique en général ?

Il y a cinq ans, les habitants du village Kalera à 300 Km au Nord de Lubumbashi se sont opposés à une décision de leur délocalisation. Ainsi, ce  village situé dans la zone de chasse du parc Upemba devait  être rasé  et la population, dépossédée de sa terre. Selon le gouvernement Congolais et ses partenaires , l’objectif était de créer un des plus grands complexes touristiques d’Afrique central, le complexe Upemba Kundelungu.

L’artiste Joseph Kasau n’approuve pas cette démarche . ‘’Les politiques globales de la conservation de la nature et de gestion de l’environnement viennent perpétuer la question de la colonisation ‘’ dit-il. ‘‘’On a détruit toute la nature en Europe, par conséquent il faut protéger ce qui reste de la foret en Afrique. Malheureusement, on vient protéger cette foret contre les Africains . De ce fait , on arrive dans des villages, on chasse des communautés entières. Et  cela , au nom protection  de l’environnement, on veut sauvegarder une région. En réalité, les intentions sont à la fois de contrôle politique, de contrôle du territoire qui perpétue l’esprit de  la colonisation.

Le colonialisme vert ?

L’artiste Joseph Kasau se  réfère  au  chercheur français Guillaume Blanc et  auteur du livre ‘’L’invention du colonialisme vert, pour en finir avec le mythe de l’Eden africain’’. En effet , il s’agit pour lui d’une vision fantasmée de ‘’l’Afrique verte, vierge, sauvage. Mais ce continent est  malheureusement surpeuplé, dégradé. Par conséquent, il faut absolument le  protéger des Africains’’, indique l’auteur Français.

Et pourtant, assure pour sa part l’artiste de Lubumbashi , l’homme vit dans cette foret  d’Afrique depuis des siècles. Il l’a sauvegardée pendant qu’en Europe l’industrialisation décimait les espaces verts. Et aujourd’hui, la planète est en danger, tient à rappeler Joseph Kasau. On est conscient du fait  qu’il faut préserver le peu de la nature qui nous reste. Mais, qui fixe les règles  de cette conservation ? s’interroge-t-il

Lire : https://magazinelaguardia.info/2023/02/06/environnement-une-nouvelle-proposition-de-la-loi/

Malheureusement, l’artiste constate que l’Occident dicte à l’Afrique les principes de  conservation de sa propre foret. Ce qui justifie, selon lui, l’expulsion de populations entières des réserves qui deviendront plus tard des parcs nationaux.

Pour sa part, Stephane Kabila, l’autre acteur culturel participant à ce travail de  recherches affirme que le colonialisme vert est une question préoccupante . La plupart des gisement miniers se trouvent  autour des parcs nationaux. Ce sont donc des réservés et  en même  temps, ils sont devenus des refuges  des multinationales. En fait, ces entreprises viennent exploiter  ces terres  qu’elles considèrent comme étant sous  leur contrôle .Et d’ajouter , ‘‘beaucoup d’enquêtes montrent que des multinationales arrachent des terres  arables aux populations  locales  autour des parcs . Ainsi ces zones protégées  sont aujourd’hui sont une justification impériale pour éloigner les populations de leur propre terre  »

Attachement à la terre

Le cas de  la communauté du village Kalera à 300 Km au Nord de Lubumbashi dans le territoire de Mitwaba en est une illustration. Pour Stéphane Kabila, ces habitants sont attachés à leur terre. ‘’C’est notre terre, celle de nos ancêtres. Nous ne pouvons en aucun cas admettre que nous soyons dépossédés, disent-ils. En outre, cette  communauté tire tout son sens dans la foret qui l’entoure. Que ce soit pour la médecine  ou pour l’alimentation,  les habitants de Kalera s’approvisionnent dans la foret.

C’est donc  cette action de résistance qui  a interpellé  les deux  artistes . Ils affirment que  généralement, on présente les villageois ou les autochtones comme  un danger  contre la nature.  Par contre , ces communautés subissent des conséquences du tourisme ou d’autres formes de valorisations des zones protégées.

Les deux acteurs culturels envisagent  d’organiser une exposition au courant de cette année 2023. Leur objectif étant de  porter haut la voix de ces communautés victimes du colonialisme vert.