Village Mukumbi: l’Etat congolais a failli à l’obligation de protection ?

Village Mukumbi: l’Etat congolais a failli à l’obligation de protection ?

En novembre 2016, les habitants du village MUKUMBI situé à 7 kilomètres de la ville de Kolwezi dans la province du Lualaba au sud de la RDC ont vécu un drame inimaginable. Avec une brutalité hors normes, des maisons sont brûlées. Ensuite, les habitants sont chassés comme des chiens par des éléments de la garde républicaine. Lourdement armés, ils agissaient pour le compte de l’entreprise minière, le Chemical of Africa, Chemaf en sigle. Près de 3 000 familles se retrouvent du jour au lendemain sans toit et sans travail. De plus , leurs enfants  sont incapables d’étudier. Huit après, l’État congolais n’a jamais réagi pour remettre cette communauté dans ses droits. 

Ce drame dépasse tout raisonnement. Ce 16 novembre, les militaires opèrent dans la matinée alors qu’un grand nombre des villageois est aux champs. Seuls, les enfants sont au village, certains à l’école et d’autres dans leurs maisons. Les militaires mettent du feu à la maison et tirent des coups de feu. En conséquence, plusieurs enfants sont brûlés, dont un enfant brûlé vif selon les témoignages des villageois. De ce fait, les villageois sont pris de panique, ils fuient, certains sont blessés, et même fracturés. 

En effet, depuis des années, les habitants du village Mukumbi essaient de revendiquer leur droit. Mais à chaque fois, la répression est grande. «  Nous étions arrêtés puis torturés », affirme le chef Mukumbi.

Des atteintes graves aux droits économiques, sociaux et culturels

Compte tenu de la situation, l’entreprise Chemaf a porté atteinte à plusieurs droits économiques, sociaux et culturels. Le premier est le droit au logement. En effet, ce droit est prévu d’abord par la Constitution de la RDC à l’article 48. Ensuite, le Pacte international pour les droits économiques, sociaux et culturels lui consacre l’article 12.

Ainsi, en brûlant des maisons, sans une réelle indemnisation, ce déguerpissement, a plongé près de 3 000 familles dans un état de sinistre. « Moi, je suis veuve depuis ces événements. Mes enfants et moi, passons la nuit à l’église SEM »,explique Jeanne Kalunga. Plusieurs d’entre eux sont devenus des personnes sans logement fixe. « Les gens sont tellement dispersés. Certains vivent dans des églises, d’autres sont en brousse, d’autres ont rejoint quelques villages. De plus, il y a des familles qui vivent dans les  champs du voisinage par manque de moyens » Explique encore le chef Mukumbi.

Il faut dire que plusieurs autres droits des membres de cette communauté ont été bafoués. C’est notamment le droit à l’alimentation et au travail, sans parler du droit à l’éducation. L’ONG Coalition pour la sauvegarde des droits humains (CSDH) en sigle, a documenté le cas du village Mukumbi. Selon elle, plus de 287 cultivateurs ont perdu les produits des champs dont la récolte était très imminente. Pourtant, la sécurité alimentaire et le travail sont aussi, des droits garantis par la Constitution de la RDC aux articles 36 et 47. Ces dispositions sont renforcées par les ’articles 6 et 11 du PIDESC.

Mukumbi , une violation flagrante du code minier

Par ailleurs, plusieurs dispositions des lois ont été violées. En plus de l’article 34 de la constitution de la RDC, il y a le décret n° 03812003 du 26 mars 2003 portant sur le règlement minier tel que modifié et complété à ce jour. De plus, le code minier tel que modifié et complété par la loi n° 18/001 du 09 mars 2018 n’a pas aussi été respecté. C’est spécialement en ses articles 285, 286 et 311. Ils disposent successivement de ce qui suit : «  …Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité octroyée selon les conditions fixées par la loi ». En outre, la loi minière définit :  « l’obligation pour les titulaires des droits miniers d’indemniser les communautés locales affectées par le déplacement en raison d’activités minières« .

Ainsi, la communauté de Mukumbi estime qu’elle avait été dupée. D’après elle, car il n’y a jamais eu de juste indemnisation. « Quand on donne 50 $ à une personne en contrepartie d’une maison et  d’une parcelle, c’est difficile », Explique encore l’ex-chef du village. Il déclare également que pour l’indemnisation, les villageois ont reçu entre 50 et 1500 $. Plus de cinq ans après, cette communauté continue  de réclamer une juste indemnisation conformément aux lois de la RDC.  De plus, l’ONG CSDH a documenté une centaine de décès liés à cette précarité. 

Un État défaillant ou complice ?

 La RDC  a ratifié  le PIDESC depuis 1976. En effet, cette instruction juridique octroi  aux états membres  plusieurs obligations. C’est notamment celle de protéger leurs citoyens face aux atteintes des droits économiques, sociaux et culturels par des tiers. En permettant à l’entreprise Chemaf de chasser sans une juste indemnisation  la communauté de Mukumbi, l’État congolais a failli à  cette obligation. Car, ce sont les militaires et les policiers,  censés protéger cette population ,qui s’étaient livrés à cet acte.

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Néanmoins, l’entreprise Chemical of Africa nie toujours toute implication dans ce drame. « Nous n’avons jamais demandé aux policiers ni aux militaires, de brûler des maisons ni de brutaliser la population. Nous ne disposons ni de l’armée ni de la police. » explique sous anonymat un responsable de Chemaf.

Une juste indemnisation

La CSDH recommande à l’État congolais d’obliger l’entreprise, conformément au Code minier, à ,non seulement indemniser cette communauté, mais aussi, à la relocaliser et à la réinstaller. Elle exige également la mise en place du cadre d’accueil transitoire en faveur des victimes. Aussi, elle recommande la réparation de tous les préjudices causés à la communauté par la société CHEMAF . Enfin, elle exige de l’État d’établir les   responsabilités des présumés auteurs et commanditaires des actes infractionnels ayant caractérisé cette barbarie.