Katanga : des rivières polluées, des vies en danger, le consortium Mazingira Pour Tous apelle à plus de responsabilités

Le Consortium Mazingira pour tous, dénonce les multiples cas de pollution des rivières dans la partie sud de la région du Katanga. Que ce soit dans la province du Haut-Katanga ou celle du Lualaba, la quasi-totalité des cours d’eau sont contaminés par les rejets miniers. C’est le résultat d’une étude scientifique réalisée en 2024 par l’unité de toxicologie de Lubumbashi. Les communautés locales en payent le prix tant sur le plan sanitaire, social, environnemental qu’économique.
« J’ai été récemment à l’hôpital pour une consultation car je toussais et j’avais des problèmes respiratoires. Après des examens à la clinique, le médecin m’a dit que j’ai des plaies internes dans mes côtes. Cela est dû à l’exposition à des particules minérales qui viennent avec la poussière ainsi qu’à l’odeur de l’acide que j’ai inhalée.»
Ce récit d’une résidente de la commune de la Ruashi à Lubumbashi met en lumière les circonstances vécues par les communautés avoisinantes des sociétés extractives. Jeanne, (c’est un pseudonyme) réside à moins de 500 mètres du site de la concession de Ruashi mining. Selon le consortium Mazingira pour tous, les habitants des quartiers Kalukuluku et Luano dans la ville de Lubumbashi sont exposés aux émissions gazeuses de l’entreprise Ruashi Mining. Cela a un impact négatif sur leur santé. En effet, ces habitants rapportent des symptômes tels que des quintes de toux et des irritations de la gorge. Ils connaissent aussi des problèmes respiratoires et des picotements au nez.
D’autres communautés du Haut Katanga impactées
Dans le groupement d’Inakiluba, situé dans le territoire de Kipushi, les habitants des villages Zakeho et Timote se plaignent également. Ils sont voisins de la société minière SOMIKA et dénoncent une pollution de l’air. De plus, au sein de la même entité, les résidents signalent que la rivière Kibunduka est polluée par les rejets émis par la société SOMIKA. Cette pollution menace les espèces aquatiques, en particulier les poissons. En outre, elle affecte les ressources vitales des communautés locales.
Plus loin dans le territoire de Kambove, les entreprises COMIKA, Kambove Mining et MIKAS sont également accusées de pollution de l’air et de l’eau. Une mère de famille du quartier Trafic à Kambove partage son expérience : « Il y a quelques mois, l’entreprise Kambove Mining avait diffusé son acide dans l’air. Dans ma maison, tout le monde toussait et c’était très grave et très inquiétant pour les enfants. »
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Par ailleurs, la rivière Kazaza à Kambove est aussi contaminée par des rejets industriels. Pourtant elle est utilisée par les habitants des trois quartiers, à savoir Gécamines, Kiwewe et Etage. » En 2023, une centaine de personnes, dont moi, étaient tombées malades. Nous avions consommé des poissons morts ramassés dans la rivière », déplore madame Julie (pseudonyme).
Le Lualaba n’est pas épargné.
Dans la province du Lualaba, des cas similaires de pollution ont été identifiés, mais avec des effets encore plus graves, indique encore le consortium. Les rivières Dipeta, Kyebange et Kelangile à Fungururme sont aussi affectées. Au-delà de la ville de Kolwezi, les habitants du village Noa sont au désarroi. « Nous ne savons plus consommer l’eau des rivières Kamilembe et Luilu. Elles sont contaminées par les rejets de la société KCC.L’eau dégage une odeur et lorsqu’on y prend bain, on a des démangeaisons. » L’équipe de recherche du consortium a en outre constaté des cas de personnes souffrant d’éruptions cutanées dans ce village.
Signalons également la pollution des rivières Musonnoie par les entreprises KCC, METALKOL, Luilu Ressources, Ruashi Mining. Le village Tshala abrite la rivière Kasombo qui reçoit les rejets des entreprises minières KCC et METALKOL. Un autre cas préoccupant est celui de la pollution du fleuve Congo dans sa partie appelée Lualaba.
Au village proche de la rivière Luakushi, une dame se plaint. » J’étais victime de brulures à l’acide déversé par l’entreprise Mutanda Mining. Alors que je me rendais au champ, j’ai plongé dans le fleuve pour un bain matinal. Malgré que la société avait reconnu cet incident, je n’ai pas bénéficié des soins appropriés. »
Cette structure souligne aussi qu’à Mano Mapia, à Fungurume, la pollution atmosphérique serait à l’origine de graves maladies. Selon des témoignages de résidents, des décès ont été constatés au sein de la communauté. Ils incriminent ainsi l’entreprise Tenke Fungurume Mining.
Une étude scientifique atteste la pollution des rivières
Le consortium Mazingira pour tous a établi ce constat à la suite des résultats d’une étude scientifique. Celle-ci a été menée par l’unité de toxicologie de l’université de Lubumbashi.
En effet, les résultats des analyses des échantillons prélevés dans les cours d’eau montrent que la situation est préoccupante. Les scientifiques ont constaté des concentrations élevées de certains minéraux dans l’ensemble des cours d’eau. Dans le lac Kando à Fungurume par exemple, les résultats indiquent des concentrations d’arsenic, de cobalt, de cuivre, de manganèse, de nickel, de plomb et de zinc.
« La rivière Luilu est l’un des cours d’eau les plus chargés en métaux traces de la ville de Kolwezi et ses environs« , indique cette étude. Elle contient un taux très élevé de cobalt, soit 7 195,82 µg/l, et même 14,01 µg/l d’uranium. De plus, son pH moyen est de 5,59. Il est ainsi situé en dessous des valeurs optimales de 6,5 < pH < 8,5 pour un cours d’eau aquacole.
Les scientifiques ont également qualifié la rivière Kashala vers la cité de N’Zilo de poubelle des décharges toxiques. En effet, les entreprises minières y déversent tous leurs rejets liquides. A ce jour, cette rivière est totalement dépourvue d’habitats et de biodiversité, soutient l’unité de toxicologie de Lubumbashi.
Plaidoyer du consortium Mazingira pour Tous
Devant ces nombreux incidents de pollution, les victimes ont du mal à se faire entendre par les décideurs et les sociétés. Le consortium déplore l’inaction persistante non seulement des entreprises extractives mais aussi des acteurs de la chaîne d’approvisionnement. Ainsi, le consortium des acteurs de la société civile a mené un plaidoyer. D’abord, il a ciblé les entreprises minières accusées de pollution. Il les a appelés à assumer leur responsabilité envers les communautés affectées. Les acteurs de la société civile ont exigé une réparation complète des préjudices causés par leurs activités.
Le consortium insiste également sur la nécessité de mettre en place des mesures préventives et correctives. Ce qui permettra de protéger l’environnement et la santé humaine.
Ensuite, le consortium Mazingira pour tous interpelle les services publics. « Ces violations des droits humains persistent malgré les multiples dénonciations d’ONG. L’État congolais devrait sanctionner les entreprises incriminées. Il devrait leur imposer une réparation et une indemnisation justes des victimes conformément aux dispositions du Code minier. »
Enfin, les acteurs de la société civile appellent les acheteurs de cobalt et de cuivre à répondre de leurs responsabilités. Les sociétés comme BMW Motors International, TESLA….doivent sensibiliser leurs fournisseurs sur la nécessité d’atténuer les impacts sur les communautés. « La transition énergétique passe par une production minière respectueuse des droits humains et de l’environnement », soutient le consortium.
Réaction des entreprises minières
Parmi les acteurs incriminés, le ministère provincial de la Santé dans la province du Lualaba s’est dit préoccupé par les conclusions de l’enquête du Consortium. Il a promis de prendre en compte les résultats de l’étude scientifique en vue de mener des actions au profit des communautés. Quant aux entreprises minières, certaines ont promis de répondre. au plaidoyer du consortium Mazingira pour tous.