Rumba congolaise : entre mémoire, modernité et intelligence artificielle

Rumba congolaise : entre mémoire, modernité et intelligence artificielle

Le Bureau Wallonie-Bruxelles a vibré au rythme d’une réflexion mêlant culture et technologie. Le colloque scientifique sur la rumba congolaise et les défis du numérique s’est ouvert à Lubumbashi ce mardi 4 novembre sous le signe de la passion, de la mémoire et de l’innovation.

Dans son mot d’ouverture, Mme Annie Kabeya, directrice du Bureau Wallonie-Bruxelles, a rappelé l’importance de ce rendez-vous. « Ce colloque est un espace de dialogue interdisciplinaire. Il doit faire dialoguer mémoire et modernité, tradition et innovation« , a-t-elle souligné. Elle a également insisté sur la nécessité de préserver les archives musicales tout en accompagnant les jeunes créateurs dans l’usage des outils numériques.

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Saluant la place des femmes dans la rumba, elle a annoncé la tenue d’un atelier sur les métiers de la musique et un concert rumba parade, prévus à la fin du colloque. « La culture, la recherche et l’innovation peuvent se renforcer mutuellement pour faire rayonner notre patrimoine », a conclu Annie Kabeya.

La rumba  congolaise nous a sauvés d’une perdition culturelle ?

 

Le professeur Huit Mulongo Kalonda, dans sa conférence inaugurale, a rappelé l’importance historique et symbolique de la rumba. Selon lui, l’inscription de la rumba congolaise au patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO a marqué un tournant. Cette reconnaissance nous a sauvés d’une perdition culturelle », a-t-il affirmé. Le professeur a retracé l’évolution du genre, de l’African Jazz aux Wenge Musica, en passant par Papa Wemba, symbole de la fusion entre musique et élégance.

Huit Mulongo a aussi insisté sur les nouveaux défis. Le numérique bouleverse tout : supports, diffusion, revenus. « Aujourd’hui, même l’argent du musicien passe par YouTube », a-t-il rappelé avec humour. Son message était clair. Adapter la rumba à l’évolution technologique sans perdre son âme. La modernisation n’est plus un choix, mais une condition de survie culturelle.

L’intelligence artificielle au service de la mémoire

Le chercheur Crispin Yoka Mwana Ngalula a présenté une étude approfondie sur le rôle de l’intelligence artificielle (IA) dans la sauvegarde de la rumba congolaise. Selon lui, malgré les efforts du gouvernement et la création du musée de la rumba, le pays accuse un retard dans la numérisation du patrimoine culturel. Les archives reposent encore sur des cassettes et des disques durs dispersés.

Pour lui, l’IA offre une chance unique : elle peut archiver, restaurer et transmettre les œuvres. Des logiciels comme Isotope ou Azure AI Video Indexer pourraient permettre de créer une base de données centralisée et accessible. Mais tout cela nécessite un cadre légal clair et une formation adaptée des acteurs culturels. Il recommande la révision du Code numérique de 2023 et de la loi sur le droit d’auteur de 1986, jugée obsolète. « Sauvegarder la rumba à l’ère de l’intelligence artificielle, c’est un acte de souveraineté culturelle », a-t-il insisté.

Son plaidoyer a trouvé un large écho parmi les participants, convaincus que l’innovation peut renforcer la mémoire collective.

Entre discours et performances artistiques, cette première journée a montré une évidence : la rumba n’est pas qu’une musique, c’est un patrimoine vivant, un vecteur de cohésion et une arme de rayonnement culturel.

Grâce à l’IA, au streaming et à la créativité des jeunes générations, elle continue de se réinventer. Et, comme l’a dit Annie Kabeya, “la rumba fait danser le monde, mais elle fait surtout panser la République démocratique du Congo.”