Lubumbashi: Diabetcare, ces jeunes qui traquent le diabète dans l’ombre des statistiques
En République démocratique du Congo, le diabète gagne du terrain au sein de la population mais de façon silencieuse. Malgré que le pays reconnaisse que cette pathologie est un problème de santé publique, néanmoins, aucun chiffre officiel n’est disponible pour mesurer son ampleur. À Lubumbashi, un groupe de jeunes étudiants réunis au sein de l’organisation Diabetcare s’est engagé à relever ce défi.
Aucune étude nationale de prévalence du diabète n’a été réalisée jusqu’à ce jour. Le programme national de lutte contre le diabète indique que les chiffres disponibles sont des simples estimations. Actuellement, le taux de prévalence en RDC se situe au-delà de 10 %, déclare le docteur Nikson Poka, médecin au programme national de lutte contre le diabète.
» Les études parcellaires indiquent que la prévalence varie entre 7 et 14 %, dit-il. Ces études sont partielles car elles sont réalisées dans certaines zones géographiques du pays.
Quand la jeunesse prend le relai dans la lutte contre le diabète
Les estimations des cas du diabète en RDC ne sont que l’arbre qui cache la foret . Face à un vide sur les données statistiques, un groupe d’étudiants de l’université de Lubumbashi a voulu prendre le taureau par les cornes.
En effet, en 2022, une dizaine des jeunes de la faculté de médecine de l’Université de Lubumbashi ont créé l’ONG dénommée Diabetcare. Ils ont par la suite été rejoint par quelques médecins. Pour ces jeunes, le diabète est une maladie méconnue dans la région. De plus, 82 % des cas de diabète dans le pays sont découverts de façon fortuite, ont-ils constaté . Obed Binia, médecin stagiaire et initiateur de Diabetcare a été motivé par l’absence d’une prise en charge adéquate des malades du diabète.
»Lors de mon stage dans une structure sanitaire dans la commune de la Kenya en 2022, nous avions reçu une femme en état d’inconscience. Pour la réanimer, l’ infirmière lui avait administré une perfusion du sérum glucosé. Cette dame n’a pas survécu » , raconte encore avec émotion Obed Binia.
Cette malade était sûrement arrivée à l’ hôpital avec une complication du diabète. Cependant, le jeune étudiant ne l’a appris que plus tard et cette nouvelle l’avait révolté.
Enquete sur le terrain
Depuis 3 ans, Diabetcare a alors mené des campagnes de sensibilisation et de dépistage gratuit dans la ville de Lubumbashi. Et les chiffres sont quelques peu inquiétants. » Sur 270 personnes dépistées en 2023, 170 présentaient un taux élevé de glycémie soit 62 %. De plus, 70% des malades admis en médecine interne notamment à l’hôpital de la SNCC Lubumbashi sont diabétiques » déclare Obed le directeur de l’ONG Diabetcare.
Par ailleurs, cette organisation a mis en place un protocole de recherche afin de collecter des données fiables sur la prévalence du diabète dans la ville. Cette étude pilote devra également porter sur l’alimentation locale qui pourrait avoir un impact sur le taux de glycémie. Un questionnaire d’ enquête a en outre été élaboré.
»On veut d’abord connaître l’identité du diabète Lushois. Ensuite, nous allons étudier les aliments consommés localement avant de déterminer le régime alimentaire à prescrire au malade. Enfin, nous envisageons un dépistage à grande échelle, indique encore le médecin stagiaire Obed.
Néanmoins, cette jeune structure rencontre plusieurs difficultés notamment financières. Il lui faut environ 9 mille $ pour mener cette étude pilote.
Une base de données nationale ?
Malgré les difficultés, Diabetcare vise grand. Au delà de la ville de Lubumbashi, cette organisation compte étendre son étude à la province du Haut Katanga. En outre, elle voudrait voir que cette recherche constitue une repère pour une base de données nationale.
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» Les statistiques permettent au pays d’identifier la population cible et de déterminer les causes de la maladie. Et cela permettra au pays d’élaborer une stratégie de prévention et de prise en charge efficace, indique Noël Bukanga, membre de Diabetcare,
Il soutient qu’à ce jour » sur 5 patients reçus dans les centres hospitaliers, 3 sont diabétiques. Et les enfants de 10 et 17 ans sont de plus en plus diagnostiqués du diabète.
Pour l’ONG Diabetcare , constituer une base des données sur le diabète est une urgence en RDC . Sans elle, les malades risquent d’être sacrifiés.

