Martine Panya Kalunga : 50 ans de craie et de convictions
Le 17 décembre, l’institut Bana ya Congo, àLubumbashi, a rendu hommage à l’une de ses figures historiques. Martine Panya Kalunga y a célébré ses cinquante ans de carrière dans l’enseignement. Une cérémonie sobre, mais chargée d’émotion, en présence des anciens élèves, des enseignants et des élèves de cette école où elle a passé toute sa vie professionnelle.
Née en 1953 à la mission Kalonda, dans l’actuelle province du Haut-Lomami, Martine Panya est diplômée en pédagogie générale et graduée en sociologie. À 22 ans, confrontée à la rareté de l’emploi, elle se tourne vers l’enseignement, presque par nécessité. En 1975, elle est engagée à l’institut Bana Zaïre, devenu plus tard Bana ya Congo. « Contre vents et marées, je me suis engagée dans l’enseignement. Ce n’était pas facile vu la situation dans notre pays. Il fallait avoir l’esprit d’abnégation, il fallait se sacrifier », raconte-t-elle.
Elle débute en enseignant la zoologie en première et deuxième secondaires. Au fil des années, son programme s’élargit. Sociologie africaine, français, morale civique, musique, éducation familiale : Martine Panya devient une enseignante polyvalente. Le cours de musique, notamment, elle le dispense de la première à la quatrième pédagogie générale. Toujours dans la même école. Sans interruption.
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Passionnée malgré les difficultés
Son parcours est marqué par les difficultés économiques du pays. Les salaires irréguliers et les conditions de travail précaires n’entament pourtant pas sa motivation. « Si vous aimez votre travail, malgré les conditions difficiles, malgré les moyens précaires mis à votre disposition, vous allez toujours travailler », raconte-t-elle encore. Elle se souvient des périodes sans paie, des ajustements nécessaires. « Parfois, on ne recevait pas nos salaires régulièrement. Mais, il fallait mettre des stratégies pour maintenir l’équilibre », dit-elle avec passion.
Dans sa carrière, Martine a côtoyé des élèves aux comportements difficiles. Face à l’indiscipline ou à la violence, elle privilégie l’écoute et la sagesse. » Chaque enfant a son éducation de base et son caractère. » Elle commence par des conseils collectifs, puis s’adresse individuellement au meneur. « Tu es venu ici, c’est pour étudier. Sois obéissant… » La sanction, puis la convocation des parents, restent des mesures de dernier recours. « Nous les sensibilisons pour qu’ils soient utiles à la société. »
Une fidélité hors norme
En cinquante ans de carrière, Martine Panya n’a exercé aucun autre métier. Elle n’a jamais enseigné dans une autre école. Cette fidélité n’a pas été récompensée matériellement. Son salaire lui a permis de couvrir l’essentiel, sans plus. « L’unique souvenir que je garde, c’est le salaire qu’on nous payait à l’époque du Premier ministre Lunda Bululu. Celui-ci avait augmenté le salaire. J’avais acheté une table qui existe même aujourd’hui », dit-elle presqu’avec un sourire.
En parallèle de son travail, elle a mené une vie de famille. Mère de six enfants, trois filles et trois garçons. Aujourd’hui veuve, elle affirme avoir toujours trouvé l’équilibre entre le foyer et l’école. « Il faut juste s’organiser« , lâche-t-elle avec enthousiasme.
À 72 ans, Martine Panya Kalunga n’a jamais bénéficié d’une promotion administrative. Elle est restée simple enseignante toute sa carrière. Mais son influence dépasse les titres. « L’enseignant ne connaît pas tout. C’est un apprenant. Et c’est en donnant cours qu’il apprend aussi.« , dit-elle avec modestie.
Lors de la célébration de son jubilé, plusieurs anciens élèves ont témoigné de son impact. Parmi eux, Michel Kabwe, aujourd’hui président de l’Assemblée provinciale du Haut-Katanga, ancien élève en 1996. « J’étais turbulent à l’école. N’eût été la rigueur de madame Martine, je n’allais pas terminer les études.
Les hommages et les cadeaux ont afflué. Mais l’essentiel est ailleurs. Cinquante ans après ses débuts, Martine Panya Kalunga continue d’enseigner la sociologie africaine et l’éducation familiale. Malgré l’âge. Par passion. Elle invite les jeunes enseignants à se dévouer non pour l’argent, mais pour l’avenir. Sa carrière se résume en trois mots : dévouement, amour du travail et dévouement.

