Militaires et policiers toujours présents dans les mines du Katanga

Militaires et policiers toujours présents dans les mines du Katanga

Le mardi 16 aout, le conseil de sécurité du Haut Katanga, avait donné 48 heures aux militaires et policiers de quitter les sites miniers artisanaux. Une semaine plus tard, force est de constater que les hommes en armes sont toujours présents. Un regard croisé montre que la grande muette, ne tient pas à être écarté de l’exploitation juteuse des minerais.

AFREWATCH, une organisation qui promeut un accès égal aux ressources naturelles, salue cette mesure du conseil de sécurité de la province cuprifère. Mais son constat est que les militaires, sont toujours présents dans les mines du Haut Katanga. Cela plus d’une semaine après l’ultimatum qui leur a été lancé.

C’est par exemple  dans le site de Shamitumba et celui  appelé Sage dans le territoire de Kambove. En outre au village Kateketa à environ 10 km de Luisha , des militaires  agissant pour le compte d’un entrepreneur privé , ont pris possession d’une carrière minière. Ils ont ensuite déguerpis tous les habitants du village.

Emmanuel Umpula, directeur exécutif de cette organisation régionale déplore cette situation car « au terme de la loi, les militaires, les policiers, n’ont pas droit à être présents dans les sites miniers. Il en est de même pour d’autres catégories de personnes n’ont habilitées. »

Et Emmanuel d’ajouter ‘’ l’armée à l’instar d’autres services, cherche à avoir sa part du gâteau dans le secteur minier. Les militaires sont donc là pour gagner de l’argent en percevant notamment des taxes ‘’

Ce n’est pas nouveau

Les 10 dernières années, la présence des militaires et policiers s’accroit de manière exponentielle. Cela au même titre que les creuseurs artisanaux. Cette présence inappropriée gène considérablement les exploitants miniers. La présence des hommes en armes y compris ceux des forces régulières, donne en effet un mauvais cachet sur les produits miniers. Les sociétés cotées en bourse, ont parfois du mal a expliquer que leurs produits ne sont pas des minerais de sang.

 

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Outre ce danger de voir leurs produits déconsidérées sur le plan international ,la présence des indésirables ,occasionne de lourdes pertes financières. MMG, une grande entreprise minière située dans la périphérie de Lubumbashi ,a menacée d’arrêter son exploitation .Elle était confrontée a une grande présence militaire sur son site.

En 2017 et 2018,Tenke Fungurume Mining, une entreprise du Lualaba, a  aussi connu les mêmes problèmes .Cela avait amené le 19 mai 2019,le president Felix Tshisekedi à prendre une décision. Celle d’ordonner le départ de tous les militaires dans les mines .Cet ordre concernait également ceux qui étaient là pour le gardiennage.

Marche arrière

Le départ des militaires, avait occasionné l’envahissement des mines  par des creuseurs clandestins. Ainsi, deux mois plus tard, le chef de l’Etat avait dû annulée son ordre. Il confiera à la deuxième zone de défense ,la mission de sécuriser les mines.

L’ordre semblait revenir. Mais au fur et à mesure, les militaires sont devenus les complices des creuseurs artisanaux. Moyennant le paiement, les militaires laissent passer les clandestins. Certains creuseurs artisanaux sont tués par les militaires, qui confisquent ensuite le minerai. Ils le revendent ensuite eux même ou par des intermédiaires.

Les militaires qui en ont les moyens, engagent même leurs propres creuseurs artisanaux.

Famille présidentielle et garde républicaine.

L’ordre d’évacuer les sites miniers artisanaux, concerne aussi la garde républicaine. Dans le Lualaba, l’autre province minière, les mêmes problèmes se posent. Maitre Chadrac Mukad, porte-parole du cadre de concertation de la société civile indique que les militaires sécurisent les entreprises minières telles que TFM ou KCC .

Il constate également que les militaires de la garde républicaine « sont présents dans les carrières minières artisanales. Ils y accompagnent des membres de la famille présidentielle. Certains d’entre eux gardent des sujets chinois et Libanais. » Ces étrangers profitent de la présence militaires à leur coté pour intimider des exploitants Congolais et parfois leur ravir les sites miniers, déplore Me Chadrac

Le mauvais exemple vient des politiciens

Sous couvert de l’anonymat un haut gradé de l’armée s’étonne que le gouvernement provincial ne parle que des militaires. Selon lui, la loi interdit  aussi aux membres du gouvernement, de faire du commerce. Pour lui, cela implique aussi l’exploitation minière. Pourtant, affirme-t-il,  plusieurs ministres ont des carrés miniers, des centres de négoces et des exploitations minières. Pour lui, aussi longtemps que les politiciens vont enfreindre la loi, les militaires feront de même.’’

Affaire mitrailles

Il faut dire que c’est vers les années 90 que les militaires se sont lancés dans la vente des minerais. Feu Kyungu Wa Kumwanza , alors gouverneur ,avait autorisé la vente des mitrailles .Cela englobait aussi des résidus  de cuivre. Mais cela avait vite dérapé. La GECAMINES a commencé à connaitre le vol  de ses produits. Cobalt, cuivre étaient dérobés en masse. Au début, les militaires se contentaient de protéger les voleurs. Avec l’appât du gain, eux-mêmes en gang. Ce pillage systématique, ne s’arrêtera qu’avec la prise du pouvoir de l’ AFDL de feu Laurent Desire Kabila.

Ensuite,le boom minier des années 2010, provoquera une ruée vers l’exploitation minière, y compris celle artisanale. Plusieurs soldats, mettront leurs armes en bandoulière. Munis d’une pelle et de barre à mine, ils se transformeront en creuseurs artisanaux. Certains officiers eux ,seront des négociants.

Depuis lors, des militaires, des policiers sont impliqués, d’une manière ou d’une autre, dans l’exploitation et le trafic des minerais. Cela semble loin de s’arrêter. Ce n’est certainement pas l’injonction du conseil de sécurité qui y changera quelque chose.

PAUL PIERRE K.                                           DENISE MAHEHO