Manono: Des exploitants artisanaux en quête du mieux être

Manono: Des exploitants artisanaux en quête du mieux être

En RDC, la loi n° 18/001 du 09 mars 2018 portant sur le code minier reconnaît l’exploitation artisanale. À Manono, dans la province du Tanganyika, l’avenir de l’artisanat minier demeure sombre.
Les exploitants artisanaux de la cassitérite n’arrivent pas à émerger pour différentes raisons. C’est notamment l’absence des zones d’exploitation, la faible production et l’absence d’un encadrement efficace.

« Nous, creuseurs artisanaux de Manono, nous n’avons même plus nos propres sites à exploiter.  Nous évoluons dans la concession de l’entreprise AVZ. Grâce à sa bonne foi, cette société nous a laissé travailler jusqu’à ce qu’elle lance ses activités d’exploitation du lithium, explique Polydor Kiluba Matandiko. Il est le président des exploitants artisanaux de Manono, territoire qui regorge l’un des gros gisements de lithium au monde.

En effet, à Manono Centre, plusieurs familles vivent grâce à l’artisanat minier. Des  hommes comme des femmes se réveillent tôt le matin pour se rendre à la carrière minière. Et ils ne rentrent pas à la maison avant la tombée de la nuit . C’est une pratique quotidienne.

Mais le président des exploitants artisanaux de Manono voudrait voir les membres de sa corporation  améliorer leurs conditions de vie. Car pour la plupart, l’artisanat minier ne leur a pas permis de sortir de la pauvreté.  Le rendement des creuseurs artisanaux demeure faible, déclare encore Polidor Kiluba Matandiko.
La production journalière dépend du site d’exploitation. Il y a des creuseurs qui réalisent 4 kg de cassitérite par jour, d’autres 3 kg. D’autres, par contre, ne gagnent que 2 kg, voire même 1 kg. Ça dépend de la richesse du sous-sol. Or , le kg de cassitérite se vend à 20 000 voire 22 000 FC. Nos recettes sont très faibles. Voilà pourquoi un creuseur peut facilement faire 20 ans et plus dans cette carrière sans même se procurer une tôle.
C’est vraiment pénible.»

Entreprise AVZ nourrit l’espoir

Néanmoins, l’exploitation de la cassitérite et du coltan de Manono n’est pas sensée demeurer artisanale. Ces dernières années, le Gouvernement congolais a vendu à certaines entreprises des permis d’exploration minière. Et AVZ Mineral  en est l’une des premières à explorer le gisement du lithium dont la réserve est estimée à plus de 600 millions de tonnes. Toutefois, cette société attend depuis plus de deux ans le permis d’exploitation afin de lancer ses activités.

Ainsi, Polydor Kiluba Matandiko , responsable des creuseurs artisanaux  estime que cela pourrait impacter positivement la vie économique dans Manono. «Notre seul espoir, nous attendons le démarrage des activités d’AVZ pour que nous bénéficions de l’accompagnement de cette société. Après les résultats de ses recherches, la société AVZ ne nous a pas complétement fermé les portes de sa concession. La société est restée attentive à nos doléances, même si nous savons qu’un jour , nous allons libérer sa carrière

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Des conditions d’amélioration

L’honorable Deogratias YOLOLA, député national, craint l’expropriation des concessions minières, qui menace non seulement l’artisanat minier, mais également toute la population. Cet élu de Manono et expert en création, gestion et suivi des projets estime que les gisements réservés aux creuseurs artisanaux sont souvent faibles en teneur et, par conséquent, ils  vendent le minerais au bas prix.

De son côté, Icare Kasongo, expert en développement communautaire, estime que les creuseurs artisanaux doivent premièrement identifier leurs forces. Ensuite, ils doivent analyser leurs faiblesses ou les causes immédiates de leur sous-développement. ‘‘Ils doivent s’organiser en coopératives des creuseurs artisanaux. Ainsi, ,ils pourront porter haut leur voix et revendiquer légalement leurs droits . Aussi, ils doivent se former en gestion financière et en conduite d’activité génératrice de revenu. Ce qui va leur donner des outils pour une diversification socioéconomique.»

Pour sa part, la division de SAEMAPE MANONO se dit déterminée à  apporter son appui aux  creuseurs artisanaux. Ce service public a pour mission d’apporter un encadrement à l’artisanat minier en vue de favoriser l’émergence d’une classe moyenne. «Nous sommes en pourparlers avec les sociétés minières qui viennent s’implanter ici. C’est pour plaider en faveur de ces creuseurs qui ne doivent pas continuer à travailler en solo. Car cela n’est pas bénéfique pour eux,  a déclaré le chef de division SAEMAPE Manono.

Des négociants plus pragmatiques

Par ailleurs, les négociants qui sont des intermédiaires entre les exploitants artisanaux et les comptoirs d’achat de la cassitérite semblent mieux organisés. Malgré le peu de bénéfices qu’ils réalisent, leur activité évolue, explique Élixir Mukendi, l’un d’eux. «Nous achetons 1kg de la cassitérite à 22000 FC. Au comptoir, nous le revendons à 25 000 FC, voire 27 000 FC. Nous sommes aussi soumis au paiement des taxes. Ainsi, par kg,  nous générons parfois un bénéfice de 2000 FC. C’est ne pas beaucoup mais il faut avoir juste du courage.»

Et de poursuivre, « Quant aux creuseurs artisanaux, ils dépensent leur argent parfois inutilement. » Ils n’ont pas l’esprit d’épargne. Voilà qui bloque leur épanouissement. Pourtant, les mines sont épuisables.  Ces exploitants travaillent dur et le corps se fatigue. De plus, certains parmi eux ont déjà eu des problèmes de santé.»

Il convient de noter que Manono Centre an accueilli 18 500 artisans en 2018. Depuis lors, aucun autre recensement n’a été organisé.

Demester Maloba